Quand j'étais môme, puis adolescent, avant d'avoir l'excellente idée de me raser le terrible duvet qui flattait mes narines et de me passionner pour les groupes aux noms que y'a que toi qui les connais ("super le FIVE YEARS PLAN sur la compil' Airspace!"), c'était deuxième guerre mondiale, matin, midi et soir. Les petits soldats en plastique. Et puis les livres, les livres, encore les livres, et les documentaires sur la question. C'est quoi la guerre? Autant se documenter pour n'être pas pris trop au dépourvu.
On l'oublie : dans les années 1980, être ado, c'était quand même vivre en se disant que toute l'existence était peut-être vaine, puisqu'au moment même ou l'on draguait Karine, Christelle ou Nathalie, un vieux con à Moscou et un moins vieux à Washington étaient peut-être en train d'appuyer sur le bouton "quand votre monde fait BOUM", réduisant nos effets de manches en un tas de cendres. Peut-être est-ce pour ça que nous sommes tous si désorientés, nous les trentenaires, qui avons tant de mal à nous engager, à savoir ce que nous voulons, dont les carrières professionnelles font tant de méandres. La guerre mondiale était annoncée. Mais elle n'est jamais venue. Le désert des Tartares s'est transformé en du Tartare au dessert. Le pire, c'est que nous n'avions pas même la consolation de nous dire qu'elle pourrait donner un sens à nos vies, faire de nous des hommes ou des adultes, cette guerre. Ce serait forcément un grand BOUM et puis plus rien, sauf à compter quelques combats en Allemagne entre les troupes de l'OTAN et celles du Pacte de Varsovie. Chienne de guerre, tu n'es jamais venue et tant mieux, mais nous vivons toujours avec la crainte des attaques, bien moins injustes dans le fond, provoquées par la misère dans lequelle nous faisons vivre le monde pour pouvoir nous payer des places à Rock en Seine ou le dernier Built to Spill. L'injustice est ailleurs. Cette fois, nous ne partirons pas tous ensemble.