Radouan Leflahi, Peer Gynt. (Photo : Arnaud Bertereau)
Hier soir, Peer Gynt à Equinoxe. Peer Gynt, un grand classique du répertoire théâtral que je n'avais encore jamais vu sur scène. Presque quatre heures de spectacle, scénographie somptueuse et jeu éblouissant de l'acteur principal, Radouan Leflahi. Musique le plus souvent en live composée et interprétée par l'excellent Butch McKoy. Bref, un grand plaisir. Mais quelque chose m'a heurté. Qui tient au programme qui nous fut donné à l'entrée de la salle.
Rien ne vous choque sur cette feuille ? Peut-être que non, parce que le mauvais pli pris ici n'est pas nouveau, et qu'il n'en est que la énième démonstration. Cependant je ne m'y résous pas. Je m'explique : Peer Gynt est-elle une pièce en génération spontanée ? N'a-t-elle pas un auteur ? Si, bien sûr, Henryk Ibsen, mais pour le trouver, il faudra ouvrir la brochure. Où l'on pourra découvrir, outre la distribution, non pas la biographie du grand écrivain norvégien, mais le curriculum du metteur en scène, David Bobée, ainsi que sa note d'intention. Ainsi, de la page de couverture jusqu'à ces pages intérieures, il n'y en a que pour lui, le metteur en scène.
Il n'en a pas toujours été ainsi. A la maison, j'ai réouvert ce livre du TNP entièrement consacré à la pièce, sans doute acheté à la brocante des Marins.
Sous le rabat de couverture, il y avait un programme, celui du Peer Gynt représenté du 29 septembre au 19 décembre 1981 au Théâtre de la Ville :
Ici, Peer Gynt est restitué à son auteur, Henryk Ibsen. Il n'est pas fait mention du metteur en scène. Un illustre inconnu, peut-être ? Même pas, puisqu'il s'agit de l'immense Patrice Chéreau.
Non seulement Ibsen avait droit à la première de couverture, mais il était textuellement cité.
Gérard Desarthe jouait Peer Gynt et Maria Casarès sa mère, Ase. Dominique Blanc faisait là son apparition, elle qui allait devenir l'actrice fétiche de Patrice Chéreau, déjà célèbre à l'époque, mais qui, pour autant, ne trônait pas en tête des programmes.
Il est pour le moins singulier de lire sur le site d'Equinoxe ces lignes : "Sa mise en scène [celle de David Bobée] de cette quête sans autre objet qu’être « soi-même » fait ressortir la dimension politique de la pièce en ce qu’elle renvoie à l’individualisme contemporain." Et en même temps, sacrifier à cet individualisme en mettant en avant le seul metteur en scène, au détriment de celui sans qui rien n'aurait été possible.