Le 7 février 1990, les quelques pionniers du (très jeune) mouvement des microbrasseries ressentent le besoin d’unir leurs forces en fondant l’Association des microbrasseries du Québec. 30 ans se sont écoulés, les «microphones» sont désormais plus de 200 au niveau provincial et, surtout, les consommateurs les ont largement adoptés. Mais pour Marie-Eve Myrand, directrice générale de l’AMBQ, “le meilleur reste à venir”!
HRImag: Marie-Eve Myrand, jusqu’où nous en sommes en 30 ans! Que retenez-vous de ces trois décennies d’existence?
Même si notre industrie a connu une croissance très rapide, elle est encore très jeune. Différents pionniers ont ouvert la voie, c’est à nous de prendre le relais.
Quels ont été les principaux projets sur lesquels l’AMBQ a travaillé? Et avec quels gains?
L’AMBQ a fait beaucoup pour améliorer l’environnement des affaires. La modulation de la taxe spécifique et de l’accise a permis, au tournant des années 1990, de réduire la charge fiscale des microbrasseurs et de reconnaître qu’il n’était pas normal qu’une PME brassicole soit taxée de la même manière. qu’un conglomérat international. Une autre grande victoire a été l’autorisation pour les microphones de vendre sur place ou à emporter. Il y a 25 ou 30 ans, les microbrasseurs évoluaient vers un modèle trop industriel, conçu pour les géants. Nous avons réussi à l’adapter à notre réalité.
Quand on revient sur ces 30 ans et que l’on se penche sur le (passionnant) numéro spécial diffusé à l’occasion de ce jubilé, on se rend compte à quel point le nombre de microbrasseries au Québec a explosé: 13 en 1990, 100 en 2012, 242 en 2019…
(Elle coupe) … et nous avons déjà franchi la barre des 250 depuis la parution du magazine, alors qu’une soixantaine de brasseurs ont déposé leur candidature et attendent leur licence, un processus qui peut prendre de quelques mois à plusieurs années.
Comment expliquer cette ascension fulgurante?
Il y a plusieurs réponses. Tout d’abord, rappelez-vous que notre industrie ne réussirait pas si le consommateur n’était pas là. C’est la base ! L’essor des microphones est au cœur d’un mouvement beaucoup plus large qui a vu les consommateurs québécois devenir plus curieux, plus dynamisés par le terroir et les produits locaux. Nous avons profité de cet engouement en insistant pour que nos bières soient produites ici, par des locaux. Les citoyens sont très fiers d’encourager la bière de leur partie du pays, ils sont assez chauvins sur cette question. De plus, comme indiqué ci-dessus, le nouveau contexte réglementaire et fiscal a également contribué au développement rapide de notre industrie.
Les 250 microphones du Québec ont-ils une chose en commun? Selon vous, quel serait leur principal atout?
Ce sont des artisans, des passionnés, des amoureux de leurs produits et de notre univers. Ils sont fiers de leur expertise … et ils ont de bonnes raisons de l’être! Notre industrie se caractérise par un grand esprit de collégialité entre la plupart des brasseurs. Nous le constatons également aux États-Unis. Les chercheurs se demandent pourquoi nous observons une vague de fraternité où nous devrions plutôt avoir un instinct compétitif. Je pense que l’une des réponses, et même s’il y a toujours des exceptions, c’est la passion de ces entrepreneurs et leur intérêt pour la bière, pour le produit, pour le process, qui vont au-delà. “compétition”.
À chaque fois que le nombre de brasseurs québécois franchit une étape symbolique, se pose inévitablement la question d’une éventuelle saturation du marché. Pensez-vous qu’il y a de la place pour d’autres joueurs?
C’est LA question qui divise notre univers, que ce soit au Québec, au Canada, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde. Et sur ce point, chacun semble avoir sa propre opinion. Je crois que le marché des microbrasseries au Québec n’est pas saturé. Tant que le consommateur suivra, il y aura de la place pour d’autres joueurs. Est-ce à dire qu’il est facile d’accéder à ce marché? Pas du tout. Aujourd’hui, il ne suffit plus de faire de la bonne bière, il faut apprendre à la vendre et à se vendre soi-même. Il faut des notions de marketing, il faut plus que des rudiments en gestion et en finance. Avec cette professionnalisation de notre industrie viendra sans aucun doute une purification du marché: on note déjà chaque année des fermetures différentes. Mais, je le répète, nous sommes loin de la saturation: selon les dernières données officielles, les microphones détenaient 11% des parts de marché, probablement 12% ou 13% actuellement. Cependant, dans d’autres États, comme le Vermont ou l’Oregon, nous observons 25% ou 30%. Pourquoi cela ne serait-il pas possible avec nous?
Et franchir la barre des 50%, est-ce possible? Les microbrasseurs peuvent-ils gagner leur confrontation avec les géants de l’industrie?
Ah ça … (Elle soupire) Soyons réalistes: nous ne dominerons probablement jamais ce marché. Nous sommes aujourd’hui autour de 12-13%. Il faudra quelques années, et de gros efforts, pour passer à 14%, puis à 15%. Donc 50% … Il y aura toujours un marché pour la “bière de soif”. Notre philosophie n’est pas de boire plus mais de mieux boire. Mais nous progressons, lentement mais sûrement. Les événements et les festivals de la brasserie ont connu un boom ces dernières années, nous avons vu l’émergence de styles complètement fragmentés (certains diraient “trop fragmentés”), nous avons la chance de pouvoir compter sur des commerçants spécialisés qui font un travail extraordinaire et, encore une fois, sur des consommateurs curieux et toujours plus aventureux.
Il est plus facile aujourd’hui qu’il y a 10 ou 20 ans de trouver des bières de microbrasserie dans les restaurants du Québec, mais nous sommes encore loin, très loin d’une offre générale. Comment améliorer la présence de vos produits de restauration partout au Québec?
Il y a bien sûr tout un marché pour nos membres, et nous devrons le développer davantage. Comment? ‘Ou quoi ? En rappelant notamment aux restaurateurs, serveurs et barmans, ce n’est pas seulement le vin qui peut accompagner un repas et que la bière ne se limite pas à l’apéritif. Vous avez des bières d’exception qui, au niveau organoleptique, se comparent aux vins, qui peuvent sublimer complètement un plat. Il faudra donc mettre en valeur le potentiel des accords mets-bières et mieux équiper les sommeliers québécois. Il ne fait aucun doute que nous devons également insister, auprès des gérants et des propriétaires de restaurants, sur les avantages financiers qu’ils auraient à se tourner davantage vers la bière.
Nous avons compris que si de grands progrès ont été réalisés en 30 ans, de nombreux défis attendent l’AMBQ dans les années à venir. Quelles sont vos prochaines priorités?
Tout d’abord, la promotion de notre industrie. Nous avons besoin de plus et parlons mieux de nous-mêmes, pour mieux promouvoir cette incroyable richesse. Au niveau réglementaire, en plus des milliers de petits irritants administratifs, nous avons quelques gros fichiers dans le viseur, comme par exemple atteindre une définition précise de ce qu’est une microbrasserie, pour que le terme ne soit plus usurpé, ou revoir le environnement fiscal pour qu’il soit enfin parfaitement pensé et adapté au modèle «micro». Enfin, nous souhaitons nous ouvrir à de nouveaux marchés, exporter nos produits et notre savoir-faire.
Alors que plusieurs chefs, producteurs et artisans tentent depuis quelques années de définir et de vendre une identité gastronomique québécoise, les bières québécoises ont réussi, en peu de temps, à s’intégrer dans le paysage gastronomique québécois et à amener les touristes à visiter la province. Quel est ton secret?
Nous sommes, en toute modestie, naturellement attractifs. Au Québec, les bières sont le deuxième meilleur produit en termes de tourisme gastronomique (après les fromages mais avant l’érable, note). Le secret est probablement qu’en plus de bons produits, nous racontons de belles histoires.
(Photo tirée de la page Facebook de l’AMBQ. Crédit photo: Caroline Leclerc)
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