Dès qu’il a entendu samedi soir les annonces d’Edouard Philippe pour lutter contre le coronavirus, Alexandre, 32 ans, directeur de la brasserie L’Amour vache à Paris (Xe), a appelé son comptable pour savoir ce qu’il fallait faire. “Nous allons mettre nos dix salariés en chômage partiel”, regrette-t-il. Il s’inquiète pour l’avenir de son entreprise. “Parce que le propriétaire des murs, il continuera de réclamer son loyer”, prédit-il. Il espère un coup de pouce de l’État. «Il vaut mieux être fermé et rémunéré qu’ouvert mais avec 70% du chiffre d’affaires. La priorité est la santé de tous », insiste-t-il.
Un de ses serveurs, Étienne, 29 ans, pense que c’est “la meilleure décision”. “Mais fermer tous les cafés et restaurants comme ça tout d’un coup, c’est bizarre, j’ai l’impression qu’on ne nous dit pas tout sur ce virus”, se demande-t-il. Le samedi, l’établissement baisse généralement le rideau à 2 heures du matin. “D’accord, nous allons fermer à minuit et nous allons commencer à nettoyer. Tout dans le réfrigérateur, les légumes, la viande … est perdu”, explique Alexandre, le propriétaire.
“Pourquoi les bars sont-ils moins essentiels que les magasins d’alimentation?”
Sur la terrasse chauffée, Anaïs et ses amis savourent leur pinte de bière blonde. “Nous allons fermer”, prévient le petit groupe. “C’est une exagération comme décision. Pourquoi les bars sont-ils moins indispensables que les magasins d’alimentation?”, Demande Anaïs. A la table suivante, Céline, qui a commandé un verre de vin rouge mais n’a pas l’intention de s’attarder, applaudit l’initiative du gouvernement. “Nous devrions l’ont même fait avant pour éviter la contagion “, insiste-t-elle.
A quelques bistrots, dans le quartier animé de la rue du Faubourg-Saint-Denis, David, chef de nationalité espagnole au bar Le Sully, n’a guère été surpris par l’annonce du Premier ministre. «Ça devait arriver! Pour mon patron, ça va être dur, il a huit bars à Paris», raconte-t-il. Max, 35 ans, un informaticien qui fête son anniversaire ce samedi, regrette de ne pouvoir continuer en boîte de nuit. “C’est dommage, mais on comprend. Désormais, même les jeunes en bonne santé sont touchés », commente-t-il. “Oh mon Dieu, on ne va pas pouvoir sortir alors?” S’exclame sa petite amie, 25 ans, étudiante en droit, quand on lui annonce la nouvelle.
“Ceux qui ouvrent auront des prunes”
Sur le trottoir d’en face, au restaurant bondé Bouillon Julien, les clients font la queue. «Ce qui me préoccupe le plus, c’est de propager le virus sans le savoir. Parce que la prendre ne m’inquiète pas trop, je ne fais pas partie de la population vulnérable à risque », confie Valentin, 27 ans.
Au restaurant voisin Derya, spécialiste de la cuisine traditionnelle turque, le manager Ulas avait envisagé ce scénario de fermeture mais “dans une courte semaine”. “Pour la sécurité des Parisiens, c’est bien”, juge-t-il. En revanche, pour son entreprise et le «paiement des charges», c’est tout un manque à gagner. “Nous ne serons jamais aidés par l’État, mais j’espère qu’au moins cela pourra nous faciliter les choses”, a-t-il déclaré. Il est hors de question pour lui de violer les injonctions du pouvoir. “Ceux qui ouvrent auront des prunes”, dit-il. Pas facile pour ses troupes et lui d’arrêter de travailler. “Nous sommes de gros travailleurs …”
VIDÉO. Coronavirus: Edouard Philippe annonce la fermeture de “lieux publics non essentiels”
