Ce dimanche 15 mars. – Deux jours après l’intervention qui m’a valu l’insertion de deux stents dans l’artère fémorale de ma jambe droite, je constate que celle-ci n’accuse plus la moindre des très méchantes douleurs (sensation d’avoir des tiges de métal dans les mollets et des clous dans les chevilles) qui m’empêchaient, il y a trois jours encore et depuis des mois, voire des années pour la gêne récurrente, de marcher comme un Indien normal sur le parcours santé de la prairie, et tout à l’heure, avec Snoopy tout joyeux lui aussi, j’ai marché quasi sans boiter jusqu’à la statue de Nabokov, à cinq cents mètres de celle de Freddie Mercury, non sans remarquer le long du quai que les recommandations du Gouvernement cantonal en matière sanitaire, excluant les terrasses de café à plus de 50 clients, et les regroupements de bipèdes à moins de 2 mètres de distance, n’étaient guère respectées sous le fringant soleil, et ma foi tant mieux ou tant pis – on n’en sait rien…
« ARRÊTER La SUISSE ». – Un syndicaliste de nos régions en appelait, hier soir, sur un ton alarmiste et en vitupérant la «trahison» du Gouvernement fédéral, selon lui coupable de responsabiliser la population à outrance pour mieux ménager les grandes fortunes du pays, d’ « arrêter la Suisse », autrement dit d’interrompre toute activité économique et toute industrie, tout travail collectif menaçant la santé des travailleurs (et des travailleuses, sûrement), mais j’y ai surtout vu, pour ma part, un affolement frotté de ressentiment de classe comme on va certainement en voir se multiplier en attendant d’autres accusations péremptoires, et pourquoi pas une nouvelle «chasse aux vieux» à la Buzzati qui se manifestera soit par l’agressivité des moins de 65 ans, soit par le confinement obligatoire des «seniors».
Or les propos de la conseillère d'Etat vaudoise socialiste Rebecca Ruiz vont tout à fait dans ce sens, qui propose ni plus moins que de claquemurer TOUS les plus de 65 ans chez eux. Après les âneries du conseiller d'Etat libéral Philippe Leuba minimisant au contraire les risques du virus en affirmant que, dans la plupart des cas, le Dafalgan fait affaire curative, on s'interroge sur la santé mentale des politiciens de moins de 65 ans - entre autres propos imbéciles, moralisateurs ou au contraire cyniques, voire haineux, qui déferlent sur les réseaux sociaux que le virus de la stupidité mine depuis leur apparition.
SAGESSES DIVERSES. – Les Italiens sont invités, par leurs autorités chatoyantes, à chanter de concert sur leurs balcons ou à leurs fenêtres, et de fait cela me semble la meilleure façon de faire la pige à l’ennui momentané (?) ou à l’angoisse promise à durer (??), tandis que, par le plus pur hasard, je tombe sur ces lignes de Joseph Conrad qui remet en cause la téléologie « morale » de la création, dont il en est venu à croire « que son objet est simplement d’être un pur spectacle : un spectacle pour la crainte, l’amour, l’adoration ou la haine (…) mais « jamais pour le désespoir » . Coupant court au moralisme autant qu’au nihilisme, le grand romancier-voyageur constate que « le rire, les larmes, la tendresse, l’indignation, la sérénité d’un cœur cuirassé, la curiosité détachée d’un esprit subtil – c’est notre affaire », et avec ou sans virus, avec ou sans séismes, avec ou sans destruction massive d’origine humaine, le «destin» n’engage de nous que notre conscience, « une conscience douée d'une voix afin d’apporter un témoignage véridique au prodige visible, à l’obsédante terreur, à l’infinie passion et à la sérénité sas limites, à la suprême loi et l’immuable mystère du sublime spectacle », d’où l’importance du chant à l’italienne…