a petite fille du passé court après l'ombre de la grand-mère qu'elle est devenue. Jeanne Bastide,
Paul-Émile Objar, in Rouge enfance
(photo de première de couverture)
[LA PETITE FILLE DU PASSÉ]
L
Une ombre douce et grise. Qui essuie le rouge.
De loin elle la voit floue, inconsistante, mal délimitée.
C'est que l'aïeule n'a pas de contours très nets.
Elle a laissé sa silhouette et s'est vêtue de ramées.
L'épaisseur des ombres qui la couvrent lui donne cet aspect. Un feuillage ancien.
Les choses sont là. Posées.
Tout au long de l'air, des pensées suspendues.
Un poudroiement suit la courbe de la colline.
Les arbres ont des branches alanguies par le poids de la beauté.
Le désormais a pris toute la place. Toute.
Alors que l'espace s'est rétréci à un point de la pupille, l'herbe s'y étale. Se déploie à l'infini de ce point.
C'est un tableau sans aucun repentir. A chaque élément sa place singulière.
On voit la peau des feuilles qui étincelle de douceur et au loin le feu d'un phare comme une coronille au sommet de sa floraison.
Cela a un sens. Tout est relié.
La petite fille court après l'ombre de la grand-mère qu'elle est devenue.
Rouge enfance, récit, éditions Domens, Pézenas, 2019, pp. 9-10. Photographies de Paul-Émile Objar.