Ananda Devi | [En apnée]

Publié le 21 mars 2020 par Angèle Paoli

[EN APNÉE] E n apnée Ananda Devi,
Parce qu'il m'est trop lourd de respirer ce qui n'existe plus
Parce que ce ne sont pas les poumons mais la mémoire
qui respire
Les souvenirs ne nourrissent pas leur femme - ils Danser sur tes braises suivi de Six décennies, éditions Bruno Doucey, collection " L'autre langue ", 2020, pp. 40-42.

la dessèchent - la font de paille et d'orge - un pain
quotidien d'amertume
Ne me buvez pas : le goût frelaté de la mort rôde.
En apnée
Parce qu'il arrive que l'air oublie son rôle, se raréfie
Comme s'il se croyait au sommet de l'Annapurna ou de
la Nanda Devi
Hélas je grouille plus bas que l'air, plus bas que la terre,
plus bas que la mer
L'île est une presqu'île rattachée par les pieds à une barre
de fer rouillée
qui traverse nos douceurs pour nous dire : souvenez-vous.
En apnée
Comme si au bord du Gange ou du Grand Bassin tu
aspirais les chants liturgiques
qui promènent dans ton corps l'indécence des croyances,
celles qui, toujours, te trahissent
te font croire aux grandes puissances des mères et des
pères
avant de les dissoudre en poussière
Tu sais que respirer c'est t'emplir de la suie des vies
dont il ne reste plus rien que la langue des flammes
corps qui se disloquent, chœurs entonnés par les cloches
vêtus de jaune vêtus de noir vêtus de blanc
le Gange ne s'arrêtera nulle part, ni pour les prieurs ni
pour les mourants
encore moins pour les absents
remonter le Gange c'est remonter à la source du vivant
avant n'était que chant - ils ont chanté avant que de savoir
et ils sont oublié avant que d'être
et ils sont morts avant que de devenir
et ils ont disparu lorsque
la dernière cloche a sonné.