D’une naïveté incroyable, j’ai imaginé, pendant un temps fort bref, que cette interruption scolaire apporterait un certain répit dans le rythme de travail, que bosser 45 à 50 heures par semaine, avec les nouveaux programmes de lycée, permettrait au moins de finir le job, et pas d’en laisser une partie sur le carreau. Que nenni. Il faut non seulement réécrire ce qui était déjà prêt pour que les enfants y pigent quelque chose, mais aussi trouver des activités adaptées au moment présent, sans perdre de vue la préparation d’un hypothétique bac, auquel notre ministre tient comme le chat tient à sa souris.
Sincèrement, je pensais trouver en ce temps de confinement un certain apaisement, une baisse de rythme salutaire, et tout, au contraire, s’accélère. Les élèves, polis et charmants au demeurant, prenant des nouvelles à chaque message, envoient leurs travaux sous toutes les formes et sur tous les supports possibles et imaginables (le RGPD compatible relève d’un défi quasi-impossible à faire respecter), quand ils ne se sont pas perdus préalablement en chemin, demandant un envoi personnel de la fiche de cours sur leur adresse perso. Ou quand ils demandent des précisions ou de l’aide le dimanche et s’étonnent le lundi matin que l’aide n’ait pas été apportée dans la minute qui a suivi l’envoi. 150 cours individuels à assurer ? mission impossible. Et pourtant, ils sont gentils, ces gosses, aimables, agréables à lire même parfois. Même souvent. Mais le nombre rend la partie injouable. Sans parler de ceux que l’on a perdus, pour des raisons techniques, sociales, que sais-je. Insatisfaction inévitable en période exceptionnelle. Et monsieur Blanquer dit que tout va bien, que l’on gère. Forcément, on gère, puisque rien n’était prêt en amont. Et puis c’est pas bien grave si ça patauge un peu : la télé est sur le coup, ça va être magique.
Alors demain, comme aujourd’hui, je vais essayer, comme tous mes collègues, de me dépêtrer de cette toile d’araignée qu’est l’éducation à distance, avec un planning tendu comme un string, et des mails qui arrivent à la pelle et de partout, auxquels il faut répondre, parce-que les enfants n’ont pas à être les victimes des errances et des incohérences gouvernementales.