Fabienne Swiatly | [Instantanés de vie]

Publié le 03 avril 2020 par Angèle Paoli

[INSTANTANÉS DE VIE] S Fabienne Swiatly,
ervice public ! Elle répond aux usagers qui râlent de devoir partager les toilettes avec des migrants. Sur une feuille format A3 elle a traduit le mot de bienvenue en une dizaine de langues. Certains jours, elle réveille son anglais avec de jeunes Afghans qui sans cesse la questionnent. Ensemble, du bout des doigts, sur le papier glacé de l'atlas, ils remontent les routes, traversent les mers, sautent les frontières. Récits plus précieux que n'importe quel livre à emprunter.
Deux éditeurs, deux écrivains, un président d'association et le journaliste qui distribue le temps de parole. Six petites bouteilles d'eau minérale et leurs verres en plastique attendent sur la table basse. Dans le public une majorité de femmes venues parler de littérature, pas rancunières de se voir si peu représentées sur scène. L'une dit à sa voisine qu'il faudrait, d'un même élan, quitter la salle et laisser ces messieurs entre eux. Chut ! lui répond celle-ci, j'écoute.
[...]
Sabots blancs qui adhèrent au caoutchouc du sol, elle fait voyager le résident tassé dans une chaise roulante. Elle l'emporte jusqu'à la salle commune où le téléviseur a bien du mal à fixer les regards malgré le rictus blanc émail du présentateur. Elle viendra le chercher à l'heure des visites, en attendant il s'endort et le présentateur s'agite pour rien. De ses mains libres, elle frictionne son bas du dos puis l'arrière de sa nuque. Le pastel des murs est une absence de couleur.
Elles sont au service, éditions Bruno Doucey, Collection " Soleil noir ", 2020, pp. 30, 31, 66.