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Salah Stétié, Le Voyage d’Alep, XII

Publié le 20 mai 2020 par Angèle Paoli


Salah Stétié, Le Voyage d’Alep, XII
Citadelle d'Alep
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LE VOYAGE D'ALEP, XII

S ur les plateaux, le printemps grave est d'herbe pure. Nul arbre, ici, pour limiter le rêve. Les lignes douces des collines me brûlent. Une noirceur gagne les dunes mauves.

La terre est rousse et mal verdie souvent. Trésor du géologue. Elle est grosse de mystère et de clés. Elle échappe à sa toison domestique. Qu'elle est belle de couleur intégrale !

Les villages de la paix dorment dans la lumière fraîche. Nul bruit n'en vient. Nul prophète ne les a dénoncés. L'homme même est accordé au silence.

Partout l'œil touche une pensée prochaine. Et la lumière est toute pénétrée d'ombre...

Des nuages me traversent, pleins d'oiseaux. Une fraîcheur débouche de la nuit. Les forces nues du monde chantent.

Ici, tout pousse l'homme à partir. Tout l'incite à ne jamais s'attacher.

Cela commence.

Le jour se referme à regret sur l'origine.

Salah Stétié, [ALEP EXISTE-T-IL ENCORE ?] Le Voyage d'Alep, XII, éditions Fata Morgana, 2002 ; 2017 (nouvelle édition), pp. 29-30. Dessins de Jean Capdeville.

Salah Stétié, Le Voyage d’Alep, XII

Citadelle d'Alep
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A lep existe-t-il encore ? J'entends parler de la vieille, très vieille ville autour de son cœur de grès doré et de merveilleuse pierre grise et rosâtre, cette hautaine citadelle, que le soleil et la lune, puissants messagers astraux, venaient chaque jour et chaque nuit lécher de leur langue immatérielle comme une chatte son chaton préféré sous la main suzeraine des divinités d'antan, du Dieu d'après.
[...]

Alep a reçu des tonnes d'obus, des tonneaux débordant de roquettes tous les jours pendant des années plus nocives et dévastatrices que les siècles. Des avions syriens ont rasé la ville, la tendre ville des hommes, des femmes et des enfants autant qu'ils ont pu le faire. Combien d'années ces siècles ? Sept, bientôt huit. [...] Je pleure désormais en relisant ces quelques pages que j'ai écrites jadis dans le bonheur de vivre l'Orient et Alep en particulier dans leur splendeur. La splendeur n'est rien, rien, si elle ne signifie pas en son sein le beau et possible rayonnement de l'homme.

Le Tremblay-sur-Mauldre, le 11 août 2017. Salah Stétié, avant propos de la nouvelle édition (2017) du
Voyage d'Alep, pp. 10-11.

Salah Stétié, Le Voyage d’Alep, XII


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