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624 – No Churchill

Publié le 29 mai 2020 par Stiop

Un jour, dans quelques mois, des sondages et des enquêtes d’opinion se relaieront pour nous demander : « Qu’est-ce qui vous a manqué le plus durant le confinement ? » Les restaurants, les musées, les voyages, les concerts, le cinéma, les Jeux Olympiques, les boîtes de nuit… ? Et vous ?

Naguère, Sir Winston Churchill avait une réponse concernant la raison pour laquelle il était encore aussi vaillant à 80 ans : « No sport ». Wrong ! Au risque de créer un incident diplomatique avec le Royaume-Uni, j’ai réellement envie de dire que, sur ce point précis, ce grand homme d’État avait rigoureusement tout faux. Après le barnum que fut le Brexit, qu’est-ce que l’on risque avec nos voisins d’outre-Manche ? Je le tacle et d’ailleurs les anglais ont inventé le football et le rugby…, quel paradoxe, non ?

Tout le monde n’a pas cette chance, mais, il y a plus de 20 ans, j’ai rencontré mon sport. Mon sport, celui qui allait me hisser vers des sommets d’allégresse, qui allait me permettre de rencontrer des génies capables de disséquer un amorti croisé de revers pendant une heure, ce sport qui allait donner à mon existence un sentiment de légèreté, de bien-être et même d’émerveillement parfois.

Alors cette période de « no sport » liée au confinement est un supplice, Mr Churchill. Je vous prie de croire, en outre, que je ne clame pas mon désespoir pour attirer l’attention sur moi ; je me fais seulement l’écho de nombreux témoignages de déprime de sportifs sevrés de leur oxygène. Pour toutes ces personnes en perdition habitées par leur passion et orphelines, il s’agit bien d’un abandon brutal, d’une privation imméritée et d’un profond sentiment de solitude.

En temps « normal », je me dis souvent que ma semaine commence le jour où je vais jouer ; c’est vraiment le pivot de mon calendrier et le tout s’articule selon un rituel quasi religieux. J’y pense le matin, je me réjouis de la journée qui passe, et, le moment venu, je vérifie l‘état de mon matériel et de mes ressources en eau, et puis j’y vais, certain que cela va me poursuivre jusque dans mes rêves.

Beaucoup d’événements, de circonstances ou même de personnes peuvent ponctuellement vous décevoir, vous trahir ou vous blesser, mais pas ce moment-là. Jamais. Au-delà d’être un sport, c’est un jeu, qui vous ramène à vos 8 ans, à votre insouciance engloutie et aux plaisirs simples.

Presque tous les jours, depuis deux mois, je prends ma raquette, je me place devant un point fixe, je fouette le volant et je le vais chercher sur le sol. Et puis je recommence, 10 fois, 50 fois, 100 fois comme un automate, comme un tigre qui tourne et se retourne dans sa cage, neurasthénique, le regard dans le néant, désorienté. Et puis je remets ma raquette dans l’obscurité.

Alors, il semblerait que les gymnases ouvrent à nouveau leurs portes dans les zones vertes puis oranges, avec des restrictions de bon sens pour les lieux confinés que sont les gymnases. Vous savez quoi ? Je suis prêt à jouer avec un scaphandre s’il le faut.

NB : Le sport que je pratique a été inventé par des… anglais à la fin du 19ème siècle, en référence à une ville du Gloucestershire : Badminton.

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