Dans cette étude en deux parties, Daniel Desurvire nous démontre avec maestria comment l'argent de concret devient virtuel. Essai en deux parties : voici la première.
Après la débâcle des caciques de l'Élysée :
Par Daniel Desurvire
Première partie
I - Ce qui ne va pas dans l'éthique des grands argentiersÀ entendre les nostalgiques de la lutte des classes, il semblerait que l'État dispose de tous les fonds nécessaires, même en période de crise financière, nonobstant un déficit de la France qui se monte à 2 415 milliards d'euros (voir infra), puis encore de dettes publiques abyssales excédant une année du produit des ressources annuelles de la France avec plus d'un an de son PIB (100,9 % mi-2020). Ont-ils raison ? Certes non car s'il y a déficit et des dettes, cela rend plausible la réalité de créances qui excèdent les ressources et les avoirs, d'où l'absence théorique de trésorerie. Sauf à annuler les dettes, comme le font régulièrement les pays industrialisés, dont le France sur le dos des contribuables, nous voyons mal comment faire disparaître les créanciers qui financent, à grand renfort de taux directeurs, les emprunts d'État et les campagnes de lancement de bons du Trésor.
De sorte que c'est l'argent de ces emprunts qui donne l'illusion de capitaux disponibles, sachant qu'il faudra toujours rembourser les banques, même s'il s'agit de mettre à contribution les générations suivantes de contribuables, de cotisants et de consommateurs. Mais comme personne ne saurait avoir toujours tort ou raison, une autre explication s'impose, entre la planche à billet qui imprime immodérément pour résorber les déficits colossaux des États en berne, et/ou la spoliation et la fiscalisation outrancière des ressortissants des pays surendettés pour maintenir le train de vie exorbitant des élus qui n'ont cure des conséquences catastrophiques de leurs gestion inconsidérée.
L'avantage pour ces derniers, c'est qu'ils ne risquent pas d'être poursuivis pour faillite personnelle au motif d'avoir acculé la Nation en cessation des paiements. Dans le vrai monde des affaires, ces incapables ou irresponsables se verraient limogés de leur entreprise, voire poursuivis pour faute personnelle et banqueroute. Or, depuis leur tour d'ivoire, les implications civiles et pénales de ces hiérarques, même établies en termes d'incompétence voire de corruption, bénéficient du camouflage des sociétés extraterritoriales qui les placent hors de portée des juges nationaux. Ces dirigeants risquent, tout au plus, de céder leur siège aux élections suivantes à leurs amis et complices de ces inqualifiables désinvoltures.
S'agissant des pratiques spéculatives sur les devises, les accords de Breton Woods de 1944 ayant été rompus en 1976, la parité entre les émissions des monnaies et la détention bimétallique (or-argent) des 44 États signataires fut abandonnée au profit d'une fluctuation libre de l'argent, désormais plutôt représenté par la puissance économique des pays. En l'occurrence, chacun devient émetteurs de sa propre devise, sous l'empire du régime du change à taux flottants qui en découle (gestion alternative des fonds spéculatifs). De sorte qu'il n'existe plus désormais de système monétaire international organisé à défaut de parité en métal précieux, si ce n'est le rôle d'arbitrage du FMI. Or, cet organisme a rejoint le pré carré tiers-mondiste de la Banque mondiale, à défaut d'avoir la capacité de peser face aux krachs mondiaux et à la généreuse participation financière des superpuissances qui contribuent grandement à la survie de ce Fonds monétaire qui n'a plus rien d'autonome.
L'unité de compte, permettant de doser les valeurs d'échanges entre les zones monétaires, ne repose sur aucun standard autre que le dollar US pour stabiliser une économie réelle en devises, d'où une dépendance plus politique que financière qui rend improbable l'utilité de cette institution supposée prendre le relai de la Conférence de Breton Woods, après la rupture de la convertibilité or-dollar de 1944, par Richard Nixon dès le 15 août 1971. De sorte que le rôle de l'euro, du yen ou du Yuan demeure encore marginal dans ce panier de monnaies nationales, où la devise américaine imprime sa suprématie, comme ce fut jadis le cas avec la livre sterling qui perdit son rang de monnaie internationale après la renonciation de la Grande-Bretagne à l'étalon-or en 1931.
Pour la petite histoire, si une trop grande masse de créanciers dans le monde exigeait le remboursement des milliards de milliards de dollar US (10 trillons de $ US en circulation dans le monde en 2013) pour convertir le billet vert en or ou dans une autre devise, ce dollar ne vaudrait même pas un cent. Cependant, ce scénario ne se produira jamais, car non seulement la Bourse de New-York et la réserve fédérale de Fort Knox seraient dans l'incapacité d'honorer ce change, mais la devise américaine serait tellement dévaluée qu'il se produirait alors une crise mondiale sans précédent sur le reste de la planète. En l'occurrence, chaque pays détenteur de cette devise américaine se verrait dépossédé, voire économiquement dévasté, comme ce fut le cas avec la répudiation des emprunts russes le 29 décembre 2017.
Non seulement la ruine des pays détenteurs d'une grande quantité de dollars US serait inévitable, mais aucune autre monnaie, pas même d'euro dans l'immédiat, pourrait prendre le relai de cette devise internationale multilatéralement reconnue et souvent exigée comme moyen de paiement. Si une telle intrigue devait voir le jour, ce scénario catastrophe ferait alors chuter les transactions, les exportations et les importations sur un marché commercial et financier paralysé ; le libre-échange alors condamné à la diète. Les produits de première nécessité, les médicaments, le pétrole et toute l'industrie en général seraient rapidement épuisés, répandant le chômage et les insurrections.
Pour illustrer l'importance de l'argent liquide dans le fonctionnement économique et social des nations, rappelons le processus du plan Marshall pour la reconstruction de l'Allemagne exsangue en 1945, plongée dans une crise profonde après la chute du IIIe Reich (inflation, récession, marché noir...). En mars 1948 fut créé la Bank Deutscher Länder, se substituant à la Reichsbank dissoute après la dénazification du système financier germanique. De nouvelles vignettes monétaires furent imprimées dans le plus grand secret aux États-Unis pour un total de six milliards de deutschemarks (opération Bird Dog pour un transport de 500 tonnes).
Le principe reposait sur l'augmentation sensible du volume monétaire de l'Allemagne afin de libérer le marché de l'industrie, de l'artisanat et du commerce étranglé par l'absence de moyen de paiement, d'où le peu de circulation de la devise jusqu'alors imprimée par l'ex- Reichsbank. Le processus de rétablissement de l'économie consista à remplacer le reichsmark (1924 à 1948) par le deutschemark exogène mis en circulation, en proposant aux Allemands de restituer à leur banque leur ancienne monnaie en échange de la nouvelle monnaie d'une valeur faciale dix fois plus élevée (opération Währungsreform : 10 contre 1).
Puis en 1955, la RFA récupéra la maîtrise de la production de sa nouvelle monnaie nationale, son économie ayant repris de l'essor ; un miracle du plan Marshall appelé " Wirtschaftswunder ". La relance économique et sociale de la RDA, par la puissance financière de la RFA pour une Allemagne réunifiée, procéda de la même logique après la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, avec la création d'un trust populaire arachnéen (Volkseigener Betrieb) qui racheta les industries de l'Allemagne de l'Est avec rétrocession.
Voilà pour expliquer l'importance de l'argent, à ce jour de plus en plus dématérialisé au profit de l'argent artificiel, des valeurs d'attente, de monnaies virtuelles dont certaines non adossées à des actifs mais à des dettes. Dans ce dernier cas de figure, l'incertitude est permanente, car s'installe le redoutable danger de voir disparaître brutalement le capital y afférant des porteurs ingénus. Hormis les augmentations de capitaux d'entreprises cotées, qui ont la mauvaise habitude de réduire la valeur des actions avec leur restructuration et la recherche compulsive de réduire les coûts de production, les crashs boursiers constituent une sorte de vidange pour évacuer le trop plein d'une économie monétaire en rupture avec la réalité du marché. Les noyaux durs des sociétés cotées (les dirigeants gros porteurs pour ± 10 % du capital social), fatalement tous des initiés qui détiennent des informations, mais jamais en situation de délit - sauf lorsqu'ils ont la maladresse de se faire prendre, - sont les maîtres d'un jeu stratégique, les donneurs d'ordre.
Les petits porteurs, qui sont attirés par les gains hypothétiques que constitue la bourse, se font régulièrement plumer à l'occasion de faits d'actualité, de faillites et de crashs. De leur côté, les marionnettistes boursicotent, lancent des OPA, OPE, OPRA, OPV et fusions, procèdent à des opérations sur le capital social ; des instruments de gestions qui généralement aboutissent à spolier l'ingénu pigeon qui croit s'introduire dans le saint des saints de la finance. Régulièrement, toutes les décennies ou presque, par oubli et négligence, les petits porteurs se font dépouiller au profit des initiés qui détiennent le vrai pouvoir et s'auto-protègent. Pour sauvegarder le produit de ces manipulations en bourse, les actionnaires majoritaires font appel au concours des sociétés extraterritoriales (offshore) pour tricoter des fortunes colossales sous le manteau des banques et des opérateurs de marché qui en tissent le maillage défiscalisé.
Comment le monde de la finance, via la Banque centrale européenne (BCE) espère se sortir de la crise sanitaire du Covid-19 après le confinement et l'arrêt brutal des économies nationales dans l'Union européenne ? Comme vu plus haut avec le plan Marshall, l'argent est le nerf de la guerre. Or, à ce jour, les devises nationales ou fédérales sont devenues la partie congrue des marchés financiers (voir en suivant). Ô paradoxe, pour sortir de la crise, les grands argentiers et leurs émules politiques envisagent une opération inverse au plan Marshall ! De sorte qu'il est projeté de faire disparaître l'argent liquide (billets de banque et pièces de monnaie), dans un avenir à moyen terme (2022 selon les Gilets jaunes).
La philosophe reposerait sur l'idée d'une démonétisation de l'économie réelle en la substituant par une monnaie virtuelle, engendrant par là un possible grand écart entre le monde inaccessible de la haute finance d'une part, le consommateur et le contribuable d'autre part, perdus dans le dédale de ce que vaut l'argent, la valeur de son travail ; une autre forme de " confinement " en quelque sorte. Le prélèvement des impôts à la source procède également de cette " distanciation " où, sauf la première année, les contribuables n'ont plus la maîtrise de leurs impôts, comme il en va de la CSG qui n'a toujours pas éliminé certaines cotisations sociales prétendument appelées à disparaître. Comment mieux manipuler l'esprit des citoyens en leur confisquant l'initiative de leurs créances et de leurs obligations. Voyons surgir le syndrome de la calculette privative de la fonction cérébrale du calcul mental, ou encore les supports à la connexion qui finissent par déconnecter l'usager des matérialités du monde réel.
Un rapport commandité par l'exécutif, rendu en juin 2018 par le comité d'action publique 2022, suggère de s'acheminer vers une société " zéro cash ", principalement à dessein d'éradiquer les fraudes fiscales, la fausse monnaie et l'économie souterraine (travail dissimulé, trafics en tout genre). Institué en 2017 par le Premier ministre Édouard Philippe, ledit comité serait constitué par 34 apparatchiks de l'État, les banques et le big-Data du ministère des finances. Les paiements en liquide seraient donc rendus impossibles à défaut d'argent liquide, d'où le sens obligatoire des transactions électroniques. La monnaie fiduciaire ne représente que ± 28 % des dépenses au point de vente*, selon les 150 pages de cette synthèse de réflexions.
Il ne resterait donc plus qu'à transformer l'essai !
L'argent liquide est jugé de facto obsolète par les augustes aéropages et cryptosocialistes du pouvoir dominant, face à la carte bancaire et aux opérations en ligne depuis les ordinateurs et téléphones modulaires. Or cette appréciation ne repose sur aucune logique, sinon qu'elle est gratuite et péremptoire. Mais d'un point de vue recelé en filigrane, ces paiements digitaux sont traçables depuis les passerelles domestiques des réseaux numériques (FAI), sur ordinateur, tablette ou smartphone. De sorte que ces paiements ou virements sont intégralement livrés à la surveillance discrète des services de renseignement de l'État, via des logarithmes sophistiqués et invisibles qui font cocomitamment office de bâillon collectif (interdiction de tirer trop d'argent, justifier ses dépenses, faire appel aux crédits etc.).
Sans m'investir dans un cours théorique rébarbatif sur les manipulations fiduciaires de l'argent, les rendements, fiscalités et prélèvements sociaux, contentons-nous d'observer que 90 % de l'argent qui circule à ce jour dans le monde est déjà de l'argent virtuel. Autrement dit, des avoirs qui s'intercalent entre les monnaies sonnantes et trébuchantes, circulent à la façon d'une réalité alternative dans une multitude de sphères financières parallèles ; lesquelles participent soit à des flux de capitaux, soit demeurent en marge de la véritable production économique pour constituer un trésor de guerre dans l'attente d'un événement ou d'une turbulence géopolitique.
Dans ce microcosme des nations qui abattent leurs cartes en coulisses, il peut s'y trouver de la monnaie de singe (nationale dans les États du tiers-monde ou locale en doublon d'une monnaie nationale) ; autrement dit des devises qui ne s'échangent pas faute d'être cotées en bourse, d'où l'impossibilité d'exporter cette monnaie ou de payer des produits importés avec ce type de liquidité. Les cryptomonnaies, une monnaie factice sans le dire, en font une éclatante démonstration, à cette différence qu'elles ne puisent leur effectivité que derrière le miroir quantique des écrans (voir infra), mais peuvent irriguer les firmes de courtage.
À suivre
(La suite demain vendredi 5 juin 2020)
Ancien directeur du Centre d'Étude juridique, économique et politique de Paris (CEJEP), correspondant de presse juridique et judiciaire. Daniel Desurvire est l'auteur de : " Le chaos culturel des civilisations " pointant du doigt les risques de fanatisme de certains cultes et de xénophobie de certaines civilisations, auxquels s'ajoutent les dangers du mal-être social, de la régression des valeurs morales et affectives ou de la médiocrité des productions culturelles, dont la polytoxicomanie en constitue l'un des corollaires. L'auteur choisit d'opposer le doute et le questionnement aux dérives dogmatiques et aux croyances délétères " (in, Les cahiers de Junius, tome III, "La culture situationniste et le trombinoscope de quelques intellectuels français" : Édilivre, 2016).
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synopsis : dans une réalité alternative, ce voyage entre la Terre et Sagittarius A, le trou noir de la Voie lactée, met en exergue les conséquences de nos mentalités projetées dans le sombre devenir de la planète. On y découvre l'inexorable destin d'une civilisation insouciante quant aux pollutions anthropiques qui annihilent la planète, ou les dogmes réducteurs que la social-démocratie hésite à repenser sous le sceau de ses labels complaisants...
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