«Le souverainisme, vainqueur de la crise»

Publié le 05 juin 2020 par Observatoiredumensonge

Le souverainisme est le vainqueur de la crise sanitaire qui s'estompe. Le dénuement industriel de la France, victime de décennies de délocalisations, s'exhibe dans son aberration.


"Le souverainisme, vainqueur de la crise"

Par Ivan Rioufol

Le souverainisme est le vainqueur de la crise sanitaire qui s'estompe. Le dénuement industriel de la France, victime de décennies de délocalisations, s'exhibe dans son aberration. Même l'entreprise "française" Sanofi (pharmacie, vaccins) ne se sent plus tenue par un sentiment patriotique depuis qu'elle est devenue multinationale (61% de son capital est étranger et 75% de son chiffre d'affaires se fait hors d'Europe). Le 13 mai, Emmanuel Macron s'est fâché d'apprendre que le directeur général britannique du groupe avait assuré aux États-Unis la priorité dans la livraison d'un futur vaccin contre le Covid-19. Mais Donald Trump, en surenchérissant à coups de dollars, n'a fait qu'appliquer sa doctrine accordant la priorité à son peuple. Qui paie décide. En France, cela fait des décennies que la préférence nationale est vue comme une infamie et que les frontières font honte aux progressistes. Ceux-ci sont condamnés à se dédire.

Les acrobaties sémantiques des universalistes en déroute font voir leur désarroi. Ils se délestent en catimini de leur trop encombrant mondialisme, comme d'autres laissent leur chien au bord d'une route avant de partir en vacances. Écoutez-les, ces jours-ci, tortiller les concepts: ils défendent comme une évidence la nation et la souveraineté, mais prennent soin de critiquer le nationalisme et le souverainisme. Ils se disent proches du peuple mais réfutent le populisme. On croirait entendre Jules Renard: "Oui, le peuple. Mais il ne faudrait pas voir sa gueule." Il n'en reste pas moins que leur timide conversion répond au vent porteur. Les patriotes de la première heure, si longtemps caricaturés en maurrassiens ou pétainistes, se retrouvent en terrain familier. La récente initiative du philosophe Michel Onfray, qui vise à aider à la "convergence des souverainistes" dans sa revue Front populaire, s'inscrit dans cette vague de fond prometteuse.

La somnolence des puissants est l'autre plaie de ce monde éthéré, coupé de la vie des gens et de leurs indignations

Cependant, Emmanuel Macron n'entend pas se résoudre à cette évolution, qu'il assimile à un odieux "réflexe nationaliste". Son accord, lundi, avec Angela Merkel, visant à mutualiser les dettes européennes avec la garantie allemande (à hauteur de 500 milliards d'euros), est une manœuvre pour tenter de promouvoir l'Union supranationale dont rêve le président français. Si la proposition devait être ratifiée par les Vingt-Sept, les bénéficiaires du plan de relance n'auraient pas à rembourser les aides de la Commission européenne. Cependant, rien ne dit que le: "On rase gratis!", cet argument de camelot, puisse convaincre sur la durée les peuples rétifs au grand brassage. Ils réclament, au contraire, la maîtrise de leur destin. C'est leur faire offense que de les croire achetables à tout prix. Le duo Macron-Merkel promeut un "peuple européen" qui n'existe pas. L'Allemagne ne s'est d'ailleurs pas gênée, en mars, pour s'octroyer des masques en priorité.

L'opposition entre enracinés et déracinés, apparue à l'occasion de la révolte des "gilets jaunes" venus des provinces contre les élites des métropoles multiculturelles, est une fracture persistante. Or, le chef de l'État répugne à tirer les conséquences de cette nouvelle donne, au nom de son idéologie antipopuliste. Pourtant, la "montée des extrêmes" n'est pas chez ceux qui s'inquiètent de voir leur pays se vider de ses richesses industrielles et se remplir parallèlement d'une immigration de masse, qui aurait coûté, selon la Cour des comptes, 6,57 milliards d'euros en 2019. Quand Macron, le 13 avril, déclare fort à propos: "Il nous faudra rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologie française, en se faisant le promoteur du "made in France"", il parle avec les mots de ceux qu'il accable. Mais comment croire en la sincérité d'un homme qui veut troquer la fragile souveraineté nationale pour une souveraineté européenne?

La guerre à mener

C'est Xavier Bertrand (ex-LR) qui, dimanche, a eu les mots les plus cruels contre le chef de l'État. À l'occasion de la commémoration des 80 ans de la campagne de 1940 et de la bataille (perdue) de Montcornet (Aisne) menée par le colonel de Gaulle, le président de la région des Hauts-de-France, présent sur place aux côtés de Macron, a écrit dans le JDD: "Pour de Gaulle, un chef ne doit pas parler en permanence, à tort et à travers (...). Il ne doit pas avoir le besoin pathologique d'être aimé mais se doit tout entier à la France." Cette allusion au comportement du président vient rappeler sa faille intime: un narcissisme de plus en plus problématique, en ce sens qu'il lui interdit l'autocritique et l'écoute attentive. Lundi soir, sur BFMTV, Macron a ainsi assuré, en triturant les mots, que la France n'avait "jamais été en rupture de masques", en assumant son mensonge. Cependant, c'est un monde fictif que promeut Macron, avec crânerie.

Oui, il y a une guerre à mener pour délivrer la France. Mais les assauts sont à lancer contre la bureaucratie envahissante. Pour cela, Macron n'a pas à en appeler à Clemenceau ou à de Gaulle. Il n'est pas non plus nécessaire à ses conseillers de réfléchir à un ridicule mémorial des victimes du Covid-19. La France a été confinée pour sauver le système hospitalier, paralysé par des sureffectifs inopérants, des normes dilatoires, des procédures administratives interminables (voir mon blog). Des hôpitaux publics du Grand Est ont envoyé des patients dans le Sud, par hélicoptère, alors que des lits étaient libres dans les cliniques de la région. Des laboratoires privés ont tardé à faire des tests par défaut d'agrément. Les médecins se sont vu interdire par le pouvoir, par décret du 25 mars, de soigner à base de chloroquine, au nom du respect de validations indifférentes à l'urgence sanitaire, etc. L'État impotent est le boulet de ses services publics.

L'élite endormie

La somnolence des puissants est l'autre plaie de ce monde éthéré, coupé de la vie des gens et de leurs indignations. L'aboulie a même atteint la hiérarchie de l'Église catholique, incapable de se défendre. Illustration: lundi, le Conseil d'État a heureusement dénoncé les interdictions réitérées de la célébration publique des cultes, en dépit du déconfinement du 11 mai. Il y a vu une "atteinte grave et manifestement illégale" à la liberté religieuse. Le gouvernement est sommé de revoir sa décision. Mais ce sont des associations traditionalistes (Fraternité Saint-Pierre, Civitas, Agrif, etc.) et le Parti chrétien-démocrate de Jean-Frédéric Poisson qui ont pris l'initiative de ce recours, palliant la passivité de la Conférence des évêques. Qu'attendent les "élites" pour se réveiller?

Ivan Rioufol

éditorialiste au Figaro

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Image de couverture par PHOTOSMONTAGES

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