[L'INQUIÉTUDE DEVANT LA MORT] L' inquiétude devant la mort - imminente, toujours imminente - vient de la non-réalisation de soi. Si l'objet était parfaitement bouclé, il roulerait en toute quiétude. Pierre-Albert Jourdan,
[...]
La solitude n'a pas de sol où se poser, elle ne fait que t'entraîner toujours plus loin, plus bas, jusqu'à cette secousse fatale où tu la reconnaîtras comme étant ce miroir qui façonnait ton visage chaque jour et qui l'abandonne à sa complice, la mort.
[...] L'Angle mort, HC, Fequet-Baudier, Paris, 1980 ; rééd. éditions Unes , Trans-en-Provence | Cahiers du double, " Bibliothèque du Double ", Paris, 1984, pp. 42, 45 et 48. Avant-propos (" Pour saluer Pierre-Albert Jourdan ") de Philippe Jaccottet * [ouvrage épuisé].
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* Cet avant-propos est une réédition revue et corrigée de pages parues dans le N° 347 de la Nouvelle Revue Française (décembre 1981), après la mort (13 septembre 1981) de Pierre-Albert Jourdan.
Comment pourrions-nous nous désolidariser de cette mort que nous portons en nous, qui nous appartient autant que nous lui appartenons ? Le rêve serait de lui ménager un espace où la rencontre se ferait dans la dignité. Sorte de suprême politesse où la salve des salutations l'emporterait sur les gémissements. Mais cet espace n'est inclus que dans l'impensable du saut, dans ce mouvement de bascule qui annule l'autre espace, celui où l'on croyait avancer... Plus intime la mort, longuement convoyée, plus proche et, peut-être, plus pourvoyeuse d'espace, ici même et, qui sait, là-bas. Là-bas où les chimères se glacent.
PIERRE-ALBERT JOURDAN
Ph. Gilles Jourdan
Source
" Pierre-Albert Jourdan (1924-1981), après dix ans d'une recherche plus strictement poétique, a essayé à partir de 1970, dans des fragments surtout, d'utiliser l'écriture pour se transformer intérieurement, et se rendre capable de rencontrer pleinement le réel. Il a alors multiplié les procédés pour agir sur soi, sur sa volonté, sa sensibilité, son intellect ou son affectivité. Des sentences, des injonctions à soi-même, lui servaient à se dissocier de comportements, de pensées, grâce à la vivacité ou à la violence de l'expression, et à l'ironie. Dans des passages d'aspect plus poétique, le travail sur la langue creusait un état de dépossession et d'accueil face au monde, et à l'invisible ou permettait de se mettre à l'école de la nature pour intérioriser ses suggestions éthiques. Jourdan usait aussi de l'écriture, à la façon du koan zen, pour se défaire des représentations mentales, faire vaciller l'intellect, et se précipiter dans l'épreuve des choses telles qu'elles sont. Ou, enfin, il s'appuyait sur elle pour se déprendre, par l'humour et le retrait, des émotions liées à l'échec et à la mort, et parvenir à l'accueil amoureux même de sa propre perte. Une tentative qui, même s'il a souvent répété son insuffisance, semble avoir permis la lumière, la sérénité de plus en plus sensibles dans ses derniers écrits, leur beauté, et leur utilité profonde pour le lecteur qui accepte de s'ouvrir à une expérience d'être. " (Élodie Meunier*)
■ Pierre-Albert Jourdan
sur Terres de femmes ▼
→ La source (extrait du Bonjour et l'Adieu)
→[Ceci est ma forêt]
→ Chute (extrait de L'Espace de la perte)
→L'Entrée dans le jardin
→Le Fil du courant
→ Les nuages parfois s'enlisent
→ 3 février 1924 | Naissance de Pierre-Albert Jourdan (+ un extrait du Bonjour et l'Adieu)
■ Voir aussi ▼
→ le site d'Élodie Meunier* consacré à Pierre-Albert Jourdan
→ (sur The Arts Fuse) Fuse Poetry Review: Pierre-Albert Jourdan - Writing that Wagers on Beauty (recension [en anglais] autour de la publication, en juillet 2011, de l'édition bilingue (anglais-français) de The Straw Sandals [Les Sandales de paille]: Selected Prose and Poetry by Pierre-Albert Jourdan. Edited, introduced, and translated by John Taylor. New York, Chelsea Editions)
→ (sur Imperfetta Ellisse) Pierre-Albert Jourdan poeta sconosciuto (+ plusieurs poèmes traduits en collaboration, du français vers l'italien, par Valérie Brantôme et Giacomo Cerrai)
→ (sur le site de Cerise Press) une note (en français) de John Taylor (le traducteur américain de Pierre-Albert Jourdan) sur Pierre-Albert Jourdan
* En 2006, Élodie Lefaure-Meunier a soutenu (sous la direction de Claude Burgelin - Université Lumière Lyon 2) une thèse de doctorat sur Pierre-Albert Jourdan : Pierre-Albert Jourdan : l'écriture comme ascèse spirituelle . Cette thèse a été éditée en 2013 aux éditions du Cygne.