MILLE ÉTANGS
(extrait)
N'es-tu pas faite des mêmes molécules ? Proche du héron autant que de la grenouille, traversée par une même vie tenace autant que précaire, vouée aux mêmes métamorphoses ?
Tour à tour transparente et opaque.
Ne t'arrive-t-il pas de brasiller de joie, cœur dilaté à se rompre ?
N'abrites-tu pas la noirceur des grands fonds, avec ces morts inapaisés séjournant dans les creux de ton corps comme dans une fosse d'argile ?
Peinture de Pascal Geyre
in Variations-prairie de Françoise Ascal,
éditions Tipaza, 2000, page 49.
Sauvage, le plateau. Rude avec ses épineux, ses bouleaux tordus, jaillissant entre des blocs granitiques.
Inhospitalier.
Pourtant tes pas t'y ramènent sans relâche.
Que cherches-tu ici ? Que soupçonnes-tu ? Qui t'appelle ? Qu'entends-tu dans le criaillement des choucas ? Dans celui de l'épervier ? Quelle mémoire anonyme implore en silence, à chaque détour du sentier sinuant entre les fougères ?
Perçois-tu le fracas des combats anciens ?
Sens-tu glisser entre tes doigts le fichu fané de celle qui, un soir, s'est jetée dans l'oubli ?
Mille Étangs, in Variations-prairie, suivi de Mille étangs, Lettre à Adèle, Colomban, éditions Tipaza, 2020, pp. 48, 49, 51. Peintures de Pascal Geyre.