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Jean-Michel Maulpoix | Bouchoreille

Publié le 29 juillet 2020 par Angèle Paoli

BOUCHOREILLE

C e mot-valise, fabriqué par Paul Valéry, figure l'espèce de boucle qu'accomplit la poésie en ce qu'elle est à la fois un parler et une écoute. Écrire de la poésie, c'est faire exister une voix, émanant d'une " bouche d'ombre " ou de " voix intérieures " (Victor Hugo), mais c'est aussi écouter la langue, prêter l'oreille à son acoustique particulière.

Attentive aux bruits du monde comme aux battements du cœur humain, la poésie peut être définie comme une voix qui écoute. Elle dit ce qu'elle entend. L'écriture y écoute la langue : à l'aide de cet instrument singulier qu'est le poème, elle en perçoit aussi bien les sons que le sens, sensible à la signification des mots, voire à leur vieille et longue histoire, attentionnée quand il s'agit de dire ce qui reste le plus secret et ne parvient au langage que par un accès douloureux. Le poète n'écrit pas seulement à la main, il écrit aussi à l'oreille, dans l'" hésitation prolongée " du son et du sens. La voix du poème est une voix réfléchie, curieuse de ses inflexions, et qui observe sa propre capacité articulatoire.

Jean-Michel Maulpoix, Les 100 Mots de la poésie, Presses Universitaires de France, Collection Que sais-je ?, 2018, pp. 17-18.

Jean-Michel Maulpoix  |   Bouchoreille


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