À QUAI D ésormais j'entre dans les gares Michel Baglin, " Faux départs ",
par effraction, par l'arrière,
du côté des grelots des passages à niveau,
du côté des friches rebelles,
des voies déposées,
des wagons à l'abandon
sombrant dans les herbes folles Un présent qui s'absente, éditions Bruno Doucey, 2013, pp. 43-44.
et les souvenirs qui s'éteignent.
J'avance en me demandant
à qui peuvent bien parler
la maison du garde-barrière
et son jardin en jachère,
à qui tout ceci saurait-il en secret
raconter encore
des histoires de trains fous,
ou pousser des gosses
à se tordre les pieds
sur les cailloux du ballast
jusqu'au dépôt déserté,
jusqu'aux carcasses de la casse
où l'on s'initie à tout âge
au grand voyage.
Sous les horloges des quais,
j'avance dans le silence
des horaires suspendus.
Faute de remonter le temps,
je remonte les trains.
Je n'attends rien.
Plus personne n'en descendra.
Ma vie est faite.