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Jacques Vandenschrick, Livrés aux géographes, 5, 10, 24

Publié le 09 juillet 2020 par Angèle Paoli

5. LIVRÉS AUX GÉOGRAPHES
(extraits)

Dans la chambre, on croit voir les ombres des danseurs semblant encore s'exercer à la barre. Dehors, le lin sombre de la nuit est venu border les épaules comme feraient deux paumes innocentes. S'avancer dans les pelouses, comme on s'enfonce dans une lecture de loups. Ne plus entendre ce bruit d'éperons que fait sans fin le monde. Et très loin, entre les arbres, voir les fragments du fleuve, dalles d'étain immobile...

10.

Les fruits sur les claies odorantes. Les seins lourds et beaux entre les étoffes. Le jardin rangé. Les derniers ordres entendus dans le soir avec les seaux cognés qu'on retourne et qu'on emboîte. On rentre vers les étages et la supplique des cordes. On croit entendre les moutons au loin mais c'est la nuit qui est venue, rassemblée près du seul réverbère qui lutte avec sa boule de lumière jaune. Et c'est plus qu'un signe. On attend le troupeau dans la cour, demain. Ce soir déjà, les muets vont dormir dans les deux bergeries.

Il n'a toujours pas neigé.

24.

Oh ! Tellement devineresses et rieuses, qui descendaient en se tenant aux branches du verger repenti, s'approchant dans le bruit des citernes par les couloirs du printemps, tellement blanches, seins alourdis de fleurs sous les lanternes. Tout s'envolait. Elles disaient : " Le vent doit se déshabiller. " Mais quand s'approchaient les garçons, elles se taisaient nues. Obscurcies de fourrés, se gardant d'être vues, rêvant pourtant de l'être, chacune frissonnant. Puis s'en allant monter sur l'épaisseur du fleuve.

Jacques Vandenschrick, Livrés aux géographes, 5, 10, 24, Cheyne éditeur, Collection verte, 2018, pp. 21, 26, 40. Frontispice d'Alexandre Hollan.

Jacques Vandenschrick, Livrés aux géographes,  5, 10, 24



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