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Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire par Marie-Hélène Prouteau

Publié le 06 juillet 2020 par Angèle Paoli

Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire,
poèmes et lettres,
éditions Diabase | Littérature, 2020.
Préface, avant-propos et notes de présentation de Ronan Nédélec.
Postface de Cypris Kophidès.

Lecture de Marie-Hélène Prouteau

Y ves Elléouët fut un créateur solitaire et peu soucieux de sa renommée. Peintre et poète, le gendre d'André Breton disparut trop tôt, en 1975, à l'âge de quarante-trois ans. Son œuvre poétique éditée était épuisée. Ses poèmes, moins connus que ses récits, Falc'hun, préfacé par Michel Leiris, et Le Livre des rois de Bretagne sont aujourd'hui publiés par les éditions Diabase, en même temps que certaines de ses lettres avec André Breton, Michel Leiris, Pêr-Jakez Heliaz (Pierre-Jakez Hélias), Xavier Grall, Georges Perros, et des lettres d'Aube, son épouse.

Le titre joue de l'ambiguïté : avec l'indéfini " un pays ", le lecteur se sent déjà chez lui, au pays de toutes les enfances. Et pourtant, c'est un paysage mental qui émerge, nettement dessiné. Un pays de collines, de bruyères, de vent. La mer toujours en mouvement, le vent du chemin, les " marées mariées au ponant ", les fermes couvertes d'ardoises, l'ossuaire de granit où dansent les morts, des cafés tenus par de vieilles femmes, les promontoires " bercés de vide ". C'est la Bretagne. Un pays de pluie et de nuit, au chromatisme noir, blanc, rouge, vert. Les noms de lieux-dits, tels Pencran, Guimiliau, ceux des légendes, tels Tintagel, la Dame blanche, le laissent assez deviner. Et Yves Elléouët le déclare : " Je suis d'Armorique cette péninsule barbare ". Nous sommes en Bretagne, haute terre celtique reliée à l'Irlande et à James Joyce autant qu'au poète gallois Dylan Thomas à qui il consacre un poème.

Et, dans le même temps, nous sommes dépossédés de nos habituelles représentations de ce pays breton. Car Yves Elléouët récuse l'entre-soi régionaliste. Il faut accepter de se laisser gagner par un imaginaire plus vaste, celui de Joan Miró et d'Yves Tanguy. Celui de l'inspiration surréaliste qui est la sienne et qui joue d'étranges collages :

" Dans le jardin aux fleurs vénéneuses

il y a une statue

tout près du bassin de mercure

Une guirlande de mains y pavoise

la nuit - de l'étrave à l'étambot

d'un navire où sèchent des cheveux ".

Plus loin, une danse des morts habite tout un poème dans un élan ample, halluciné, intemporel. Visions surréelles de champs de bataille de la Grande Guerre ou rappel de François Villon ? Mais la mélancolie et l'humour se mêlent aussi comme dans un rêve échappé d'entre les moments opaques du sommeil. Dans la lignée du surréalisme, les images prennent parfois un aspect fulgurant :

" la baïonnette s'est brisée

près de l'oreiller

dans l'oreille de la fumée

qui passe et repasse ".

" J'y fus oiseau jadis

Ma langue s'en souvient ".

Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire   par Marie-Hélène Prouteau

YVES ELLÉOUËT

Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire   par Marie-Hélène Prouteau

Source
■ Yves Elléouët
sur Terres de femmes
N'importe où (poème extrait de Dans un pays de lointaine mémoire)
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions Diabase) la fiche de l'éditeur sur Dans un pays de lointaine mémoire
→ (sur le site des éditions Diabase) une notice bio-bibliographique sur Yves Elléouët
→ le site Yves Elléouët
■ Voir encore ▼
→ (sur Terres de femmes) André Breton, Lettres à Aube (lecture d'AP)
■ Autres chroniques et lectures (23) de Marie-Hélène Prouteau
sur Terres de femmes
→ Chambre d'enfant gris tristesse
→ La croisière immobile
→ Anne Bihan, Ton ventre est l'océan
→ Jean-Claude Caër, Alaska
→ Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
→ Marie-Josée Christien, Affolement du sang
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Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
→ Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
→ Daniel Morvan, L'Orgue du Sonnenberg
→ Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
→ Jacqueline Saint-Jean ou l'aventure d'être au monde en poésie
→ Dominique Sampiero, Chante-perce
→ Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
→ Ronny Someck, Le Piano ardent
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