Tout le monde est resté sonné par le réquisitoire de Russell, et il est bien difficile d'apporter dans cet environnement si fraternel la contradiction...
Cependant Jean-Baptiste tente avec beaucoup de finesse - c'est Anne-Laure qui le remarque - de présenter une philosophie moins analytique...
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N'y aurait-il pas en l'humain, un point d'insertion entre l'esprit et la matière... ?
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Qu'entendez-vous par esprit... ? Pourquoi, l'esprit ne serait-il pas un phénomène physique... ?
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Restons dans le doute... La perception ne pourrait-elle pas être une sorte de matérialisation causée par l'esprit... ?
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Vous pensez donc que la réalité n'est pas ''une''... ?
On pourrait aussi débattre de la liberté de l'esprit et du déterminisme de la matière.... Russell considère que cette opposition est artificielle … De même entre intelligence et intuition ; entre instinct et subconscient....
Russell reconnaît la valeur de l'argumentation, mais elle est ''littéraire'', esthétique... Quant à Bergson, il a effectivement lu '' L’Évolution créatrice '' publié en 1907, et ses autres ouvrages.... Il « n’est pas meilleur que les précédents » car il n’y a pas « depuis le commencement jusqu’à la fin, un seul raisonnement (…) il ne contient qu’une peinture poétique qui fait appel à l’imagination » !
Pour Bergson on atteint la vérité par l’intuition et non par l’intelligence: elle n’est donc pas matière à raisonnement...
Russell s'en prend ensuite à la notion de ''durée'' telle qu'elle est proposée par Bergson... « de la littérature...!'' - (les deux s'y connaissent... Il seront tous deux prix Nobel de littérature..!!)
Jean-Baptiste de Vassy, qu'Anne-Laure nomme J.B., est un érudit fortuné - je le rappelle – passionné de mathématiques, il a souvent accompagné Henri Poincaré, qu'il vénère, dans des congrès, et même dans son travail... JB, va donc tenté ici, d'expliquer ce que ''durée'' pourrait signifier aussi bien en philosophie qu'en sciences...
Naturellement, nous étendons la durée, qui n'est qu'une donnée immédiate de la conscience, au monde matériel... L'Univers nous parait former un tout... La ''durée pure'' est qualité, changement, mobilité... Elle n'est pas une quantité, même si quand on essaie de la mesurer, on le signifie par de l'espace, comme une longueur sur la ligne du temps...
Henri Poincaré, a noté que le temps est relatif, qu'il dépend du point de vue sous lequel on le mesure.
Dans son ouvrage, publié en 1902 '' La science et l'hypothèse '' Poincaré affirme qu'il n'y a pas d'espace absolu, ni de temps absolu... Non seulement nous n'avons pas l'intuition directe de l'égalité de deux durées, mais nous n'avons même pas celle de la simultanéité de deux événements se produisant sur des théâtres différents.
En 1907, Minkowski reprend les travaux de Hendrik Lorentz et Einstein, réunit l'espace et le temps, que nous avons l'habitude de dissocier, pour finalement les réunir en un « continuum espace-temps » à 4 dimensions... Cela rejoint d'ailleurs l'intuition qu'en a Poincaré...
Vraiment, la ''raison physicienne'' - et peut-être, bien plus que la ''raison mathématicienne'' - est pleine de paradoxes...! Ne trouvez-vous pas...?
Ottoline et Anne-Laure s'interrogent sur la raison et l'amour...
Russell admet qu'il y a des cas où non seulement la raison n’est pas utile mais où elle peut même devenir nuisible.. Ces cas adviennent lors de la relation avec les autres...
L'amour a des formes multiples... Dans le sens courant, il est la relation que deux êtres qui se sont librement choisis vont nouer dans des liens à la fois ''spirituels'' et charnels. « La peur de l’amour (…) n’est que la peur de la vie. Et ceux qui craignent la vie sont déjà aux trois quarts morts »
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Philosopher ne permet-il pas ''d'appendre à mourir''..?
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Tout au plus, à vivre mieux...
Russell énumère trois causes au malheur des hommes: - le mal byronien, sorte de mélancolie où l'amour d'une femme et la misanthropie se rejoignent ; - le sentiment de culpabilité ; et – l'esprit de compétition imposé par la société... Aussi, en résultent de l'ennui et de l'envie, la peur de l'opinion d'autrui, de l'agitation et de la fatigue... qui sont autant d’entraves au bonheur.
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Et donc, pour être heureux...?
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Et bien, selon notre personnalité, nous serons plus disposé à chercher une forme raffinée à notre bonheur, comme l'art, la création ; ou plus intellectuelle comme la recherche scientifique, ou plus simple comme le jardinage … ou plus émotionnelle ou plus instinctive...
Et de grands éclats de rire closent la question...