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Luis García Montero | Los idiomas persiguen el desorden que soy

Publié le 19 août 2020 par Angèle Paoli

[LOS IDIOMAS PERSIGUEN EL DESORDEN QUE SOY]
M i nombre es Luis,
soy español,
vivo en Madrid,
en el número uno, calle Larra,
me dice usted la hora, por favor,
¿dónde ha nacido usted
y cuántos años tiene?,
buenos días, amigo,
buenos días, mi amor, te quiero mucho.
Confieso que no tengo
facilidad para estudiar idiomas.
He copiado mil veces las frases y procuro
aprender de memoria, poco a poco,
preguntas y respuestas.
Pero me acabo siempre confundiendo
y a los demás les digo
¿dónde está mi te quiero?,
vivo en Luis
y soy las doce y media de la noche.
Nadie ha podido nunca pasear
por el número uno
sin romper el espejo de las horas
y de su propio rostro.
¿Me dice, por favor, qué significan
el tú y el yo, la edad y la palabra España?
Los idiomas persiguen el desorden que soy,
y así los predicados de altas temperaturas
y los verbos de nieve
me tratan sin piedad
igual que a los sujetos derretidos.
No me resulta fácil,

pero a veces entiendo
la nostalgia de orden que tienen mis poemas.

[LES LANGUES SONT À L'IMAGE DU DÉSORDRE QUE JE SUIS]
M on nom est Luis,
je suis espagnol,
je vis à Madrid,
au numéro un, rue Larra,
avez-vous l'heure, s'il vous plaît
où êtes-vous né ?
et quel âge avez-vous ?,
bonjour, l'ami
bonjour mon amour, je t'aime beaucoup.
J'avoue que je n'ai pas
de don pour apprendre les langues.
J'ai copié mille fois les phrases et je m'efforce
à apprendre de mémoire, peu à peu,
questions et réponses.
Mais je finis toujours par mélanger
et je dis aux gens
Où est moi je t'aime ?
je vis au Luis
et je suis minuit et demi.
Personne n'a jamais pu se promener
au numéro un
sans briser le miroir des heures
et de son propre visage.
Dites-moi, s'il vous plaît, que signifient
le toi, le je, l'âge et le mot Espagne ?
Les langues poursuivent le désordre que je suis,
et c'est ainsi que les attributs de hautes températures
et les verbes de neige
me traitent sans pitié
comme ils traitent les sujets fondus.
Ce n'est pas simple pour moi,

mais parfois je comprends
la nostalgie de l'ordre qu'ont mes poèmes.

Luis García Montero, " Le Mot ", Une mélancolie optimiste | Una melancolía optimista [Visor libros, Collection Visor de Poesía, 2019], anthologie bilingue espagnol-français, traduite par Françoise Dubosquet-Lairys, éditions Al Manar, Collection Méditerranées, 2019, pp. 31-34.

Luis García Montero  |  Los idiomas persiguen el desorden que soy


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