Question: quels sont vos hobbies?
Mon interviewer est assis l'air confortable dans un gros fauteuil en cuir, il a un cahier à la main, des traces d'encre sur l'index et le pouce, il agite son stylo et me regarde impatient. Alors?
Je me creuse la cervelle mais c'est un peu la panique. Je suis sûre que les autres ont dit quelque chose d'original, même si, de loin, je l'observais gratter les réponses avec ennui. Eh bien?
Eh bien je regrette bien d'être venue là. Un auteur, ça a de l'esprit, j'aurais dû revisionner "Ridicule" pour me mettre au diapason, et puis justement, c'est ridicule, cette affaire: qui lira les interviews d'auteurs obscurs publiées dans une revue qui l'est tout autant et qu'un "ami" m'a recommandé, "parce qu'on ne sait jamais". C'est soudain déprimant. L'autre avant moi a eu: "quels sont vos vices?". Nos réponses serviront à faire le portrait composite des "écrivains" d'aujourd'hui. Ils s'appellent tous "écrivains", sans complexe. "Et vous, vous écrivez quoi?", "J'ai déjà publié, et vous?", "J'ai failli passer chez Flammarion". J'opine, je souris, je serre des mains et cueille au vol des oeillades férocement enthousiastes.
En vrai? J'aime les Jaguar, galoper sur les plages, les grandes villes, les descentes en rappel, les cafés concert, les lieux ramassés dans l'obscurité, et les premières lueurs du jour, surtout lorsqu'on n'a rien fait de la nuit.
"Et les chats?"
"Oui, bien sûr, les chats".
"Merci. On vous contactera si votre réponse a été retenue. Bonjour. Vous écrivez à l'ordinateur ou au stylo?"
Je pique du nez pour ne pas voir le visage ravi de l'interviewé et la file des autres qui attendent. Vanitas, vanitatum.