On ne peut éternellement éviter de « se » croiser, ne serait-ce qu’un minuscule instant en passant devant un miroir, il faut tôt ou tard ralentir, peut-être s’arrêter et prendre le temps de se regarder, de se « re-connaitre » en s’autorisant une escapade en tête à tête.
Alors ce matin, j’ai chaussé mes godillots et embarqué mon sac à dos, là-haut, les chaumes clignaient des yeux sous le soleil de septembre, comme autant de clins d’œil pour me séduire et m’attirer au plus près du ciel, ici les montagnes culminent juste assez haut pour permettre, par beau temps, d’en apercevoir, au loin de plus majestueuses.
La route est suffisamment longue pour apprivoiser le silence après la cacophonie citadine. Elle ondule entre collines et vallées pour mener jusqu’au pied des crêtes qu’elle escalade gaillardement. Tous ces kilomètres parcourus sans urgence, mais plutôt comme un départ en « vacances » attendu depuis longtemps, permettent une réadaptation progressive au temps offert, à dépenser sans compter, juste pour se faire plaisir. Chaque virage propose un nouveau paysage, l’heure est au regard, à la découverte !
Les arbres qui surplombent la route se penchent si bas pour abriter mon passage, que, par le toit grand ouvert, je pourrais presque caresser leurs feuilles… Un écureuil traverse la chaussée, ouf, en voilà un dont l’heure n’était pas encore arrivée !…
Quand enfin, loin du goudron et du vrombissement bourdonnant des moteurs, vient le moment d’arpenter les chemins caillouteux et de dompter mon souffle trop court, quand le sommet péniblement atteint dévoile le panorama tant espéré, mon cœur bat la chamade tant d’efforts que de bonheur !
La lumière voilée poudroie les vallées toutes languissantes sous la fin de l’été, quelques lacs posés ça et là comme des miroirs où le ciel peut lui aussi se mirer. Au loin des voix s’exclament et partagent la beauté du paysage, je suis arrivée, là sera mon âme reposée pour un moment d’éternité. Debout, à regarder l’horizon fuyant, à respirer le vent qui ici a repris tous ses droits, immobile comme si bouger un cil pouvait faire ce joyau disparaître, je ne suis plus qu’humblement humaine, une infime poussière devant toute cette splendeur…
- « Alors, te voilà, toi ? Il y a si longtemps que nous n’avons pris le temps d’une véritable conversation sans être interrompues par tout ce dont tu t’entoures d’amitiés, d’occupations, de musique où tu tentes de camoufler chagrins, cafards et solitudes… »
- » Oui, je déplore parfois ce temps « étouffé », ces jours gribouillés… »
- » Que ne te poses-tu pas plus souvent » ?
- » Je me le promets presque chaque jour quand je rentre fatiguée de tout et de rien, de cette agitation fébrile peut-être, de cette cacophonie citadine… Mon jardin est un havre de paix où je prends conscience de cette nécessité de silence et d’ailleurs »…
- « Cet « ailleurs » ressemble beaucoup à cet endroit »…
- « Oui, comme à bien d’autres qui conjuguent calme, espace, silence… De de ce silence empli pourtant de nombre de bruits, mais de bruits « légitimes », qui n’entravent rien et habitent les lieux tels les troglodytes se fondant au creux des falaises ».
- « Cette solitude choisie au cœur de la nature, est bien différente de celle qu’on a à subir, qui s’immisce à toute heure et s’impose même quand je suis très chaleureusement entourée et d’humeur très joyeuse ! Tous les bonheurs ont besoin d’être partagés pour être vraiment complets ! »
- « … »
- « Oui, il m’aura fallut sentir les cailloux rouler sous mes semelles, glisser parfois et chercher un nouvel équilibre, retenir mes larmes en pensant à ceux qui me manquent, à Toi mon amour, quand je crois sentir ta main prendre la mienne pour m’encourager à aller plus loin devant, à la rencontre de celle que je suis devenue maintenant »…
- « S’accorder du TEMPS… C’est essentiel. C’est sans doute la seule façon de ne pas se perdre de vue, le seul moyen de faire le point sur ce que nous devenons au fil du temps et du chemin. Quand on a la chance d’en être conscient et de pouvoir le faire, il ne faut pas hésiter, ni remettre à plus tard cette parenthèse d’absolue nécessité. Les belles rencontres sont à notre portée pour peu qu’on leur accorde une chance… Celle qu’on fait avec soi-même de temps en temps est absolument indispensable pour garder les yeux grands ouverts sur les jolis rendez’vous que le hasard nous propose…