Fin d'un monde – samedi 1er août 1914 -2-

Publié le 15 septembre 2020 par Perceval

« La lutte engagée contre l'Allemagne est la lutte même de la civilisation contre la barbarie », lance, le 8 août 1914 devant des académiciens, le philosophe Henri Bergson... Son discours est résolument anti-allemand. Il affirme accomplir là un « simple devoir scientifique en signalant dans la brutalité et le cynisme de l'Allemagne, dans son mépris de toute justice et de toute vérité une régression à l'état sauvage ».

L'offensive allemande est rapide, choquante en ce que l'Allemagne viole la neutralité de la Belgique, détruit des monuments comme la bibliothèque universitaire de Louvain et les cathédrales de Reims et de Malines.... On évoque aussi diverses atrocités bien réelles commises en Belgique...

Pourtant, daté du 4 octobre 1914, est publié en Allemagne, un appel des intellectuels allemands aux nations civilisées : 93 intellectuels allemands évoquent les héros allemands de la philosophie, de la musique, de la littérature, et retournent contre leurs adversaires français et anglais l'accusation de barbarie en dénonçant les "actes de cruauté" sur le front de leurs troupes coloniales "non civilisées". « Nous protestons contre les mensonges et les calomnies dont nos ennemis tentent de salir la juste et noble cause de l'Allemagne dans la terrible lutte qui nous a été imposée et qui ne menace rien moins que notre existence »...

Romain Rolland, Prix Nobel en 1915, dénonce la guerre dans Au-dessus de la mêlée ( sept 1914). Il écrit à Stefan Zweig, avec qui il correspond durant tout le conflit : « Que deviendra le monde après qu'auront passé ces cyclones de haine ? » Et bien sûr, pour tous les belligérants, Dieu est de leur côté...

J.B. fait partie de la réserve de l'armée d'active... Il est affecté dans la cavalerie, où il retrouve beaucoup de mobilisés issus de l'aristocratie... La cavalerie coopère aux attaques de l'infanterie, elle couvre son déploiement et la protège contre les surprises... C'est lors d'une guerre de mouvement qu'elle joue le mieux son rôle...

Beaucoup sont sous-officiers ou officiers; l'esprit est à la communion dans des valeurs traditionnelles, et se considèrent comme les lointains héritiers de la chevalerie ; ce que J.B. n'avait pas manqué de développer avec Lancelot ...

Après l'échec de la guerre de mouvement, la cavalerie désœuvrée fournit de nombreux pilotes... Les cavaliers deviennent '' chevaliers du ciel ''… Jusqu'à présent les généraux, envisageaient le ''plus léger que l'air'' ( ballons, dirigeables...) comme possible pour des missions d'observation ; mais, le ''plus lourd que l'air'' utilisé en engin de guerre, devait rester cantonné aux romans de Jules Verne... Pourtant, très vite, l'efficacité de l'aéroplane va le rendre indispensable, pour l'observation d'abord ; et le combat, ensuite...

Très vite les combats aériens spectaculaires, et surtout la composition sociologique des aviateurs, vont amener à les comparer à des héros, comme Georges Guynemer, mort le 11 septembre 1917 à l’âge de 22 ans, comparé dans la presse à : « un preux issu des profondeurs de la race française où s’allient si splendidement ensemble le patriotisme et la foi. Charlemagne l’aurait fait asseoir à côté de Roland... » ; et Henry Bordeaux écrit : « Roland a été l’exemple des chevaliers d’autrefois. Guynemer devra être l’exemple des Français de maintenant, et tous tâcheront de l’imiter et se souviendront de lui, comme on s’est souvenu de Roland. »

Ce texte de '' La chanson de Roland '', ( XIe siècle) est lu aux élèves de l'Ecole Primaire ; texte publié en 1903, et dédié à « l'armée Nationale »...

Toujours en l'honneur de Guynemer : « Ce fut, avant tout, un volontaire, tout rayonnant, lui aussi, de belle énergie intérieure, passionné du devoir, presque mystique, âme de chevalier croisé, chevauchant la plus moderne des montures, aimant la France avec frénésie, son beau pays, dont toutes les harmonieuses qualités jaillissaient en lui. » ( Le Journal, 11 septembre 1919)

Parmi ces aviateurs, beaucoup d'entre eux, seront les ''derniers héritiers d'un monde auquel la guerre de 1914 portera un coup fatal'' ; comme Jacques Boulenger, qui écrivait lui-même :  « Nous nous étions fait dans notre petit groupe une sorte d'idéal d'humanisme élégant, de « dandysme » cultivé : on se réunissait au bar, et il ne s'agissait pas d'ignorer plus la mode des chapeaux de femmes que les hypothèses sur l'auteur des miniatures des Heures du duc de Berry. Le souvenir de Jean de Tinan régnait, le charmant P.-J. Toulet triomphait; ... on citait Catulle, on se battait en duel, on revenait toujours d'Italie, on inventait des cocktails, on discutait sur des points de langage »

Entré à l'École des Chartes à dix-sept ans Boulenger, a fait brillamment la guerre comme aviateur... Spécialiste de Rabelais, il est connu pour avoir écrit une adaptation des Romans de la Table Ronde...

Dandy, réactionnaire, Boulenger commet également des textes antisémites... !

Ainsi, Jean-Baptiste de Vassy, promu sous-lieutenant en décembre dans les Dragons, passe dans l’aviation en avril 1915, comme observateur … Il passe son brevet de pilote, puis vole sur le Farman F.40 ( baptisé Horace), un biplan monomoteur construit en bois et toile; quand il est abattu, au printemps 1916... !

La famille de J.B., puis Anne-Laure, apprennent sa disparition au-dessus des lignes ennemies...