Elle a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l'intensité de l'effet. Cette lecture, qui peut être accomplie tout d'une haleine, laisse dans l'esprit un souvenir bien plus puissant qu'une lecture brisée, interrompue souvent par les tracas des affaires et le soin des intérêts mondains. L'unité d'impression, la totalité d'effet est un avantage immense qui peut donner à ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu'une nouvelle trop courte (c'est sans doute un défaut) vaut encore mieux qu'une nouvelle trop longue.
La longueur, en effet, ne sied guère à la nouvelle. J'ai tendance, pour ma part, à préférer les textes courts (4, 5 pages en moyenne), pour des raisons de rythme et de composition. Peut-être, aussi, ai-je eu l'intuition qu'écrire avec brièveté demandait une exigence qui allait structurer mon écriture. La moindre fêlure est grossie mille fois, on y trébuche comme dans un gouffre et on en ressort au mieux, tout endolori, au pire, follement mécontent...
Baudelaire poursuit ainsi:
L'artiste, s'il est habile (...) ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à produire, inventera les incidents, combinera les événements les plus propres à amener l'effet voulu. Si la première phrase n'est pas écrite en vue de préparer cette impression finale, l'oeuvre est manquée dès le début. Dans la composition tout entière, il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité.
Ces extraits sont tirés des Notes nouvelles sur Edgar Poe. Vous pourrez en trouver l'intégralité juste ici: http://www.tierslivre.net/litt/baudelpoenot2.html