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Mort au champ d'horreur...

Publié le 14 novembre 2020 par Perceval

Romain Roland (1866-1944) dénonce clairement comme responsables de la guerre les dirigeants de trois grands Etats : Allemagne, France, Grande Bretagne, ainsi que l’aveuglement et la complicité de leurs “élites” : clergé, enseignants, hommes politiques.

Mort au champ d'horreur...

Dès 1915, il publie “Au-dessus de la mêlée” ; des articles considérés comme des actes de traîtrise...

Parodi lui reproche de n'avoir pas compris « que l’heure où une nation entre en lutte pour son existence ne saurait être celle de l’impartialité entière et de l’équité sereine », « Si la lutte ne se soutient que par la confiance en soi et l’enthousiasme, il est impossible de tendre toutes ses énergies contre l’ennemi et au même moment de s’attacher à le comprendre exactement et à le juger scrupuleusement : on dirait qu’à vouloir encore être avant tout clairvoyant ou juste, on se mette en dehors de son peuple et on ne soit plus entièrement patriote. »

Mort au champ d'horreur...

Effectivement, Romain Rolland en Suisse, se permet une position, comme il le dit dans le titre, « au-dessus de la mêlée » ; c'est à dire au-dessus de la confusion... Il se situe hors conflit, et explique qu’il veut parler aux Allemands comme à des frères, de même culture, et qu’il refuse de succomber à l’animosité et à la haine.

Anne-Laure de Sallembier, par sa propre culture, ne comprend pas et ne partage pas l'argumentation belliciste de cette guerre. La durée du conflit, la maintient dans une retraite qui la coupe du ''grand monde'' qu'elle fréquentait... L'attente quotidienne, et l'angoisse de recevoir cette nouvelle de la mort de son compagnon, la maintient dans une mélancolie que seule la vie campagnarde peut lui permettre de supporter...

Mort au champ d'horreur...

Cette nouvelle qu'elle redoutait, mais se préparait chaque jour à recevoir, est tombée avec la tournée du facteur, le matin d'une belle journée de printemps... Anne-Laure - n'étant pas l'épouse de J.B. (Jean-Baptiste de Vassy) - ne reçut pas la visite des gendarmes, ou du maire; mais une lettre de son colonel... Elle fut suivie de celle d'un ami pilote...

Les circonstances de la guerre, ont fait se croiser J.B. et Georges B.... Georges B. est alors journaliste, fortement engagé politiquement, il s'est fait remarqué par quelques articles... Et juste avant guerre, Léon Daudet, lui propose de diriger un hebdomadaire rouennais : l'Avant-garde de Normandie, avec l'objectif de le relancer... G.B. S'oppose – par presse interposée - à la bourgeoisie libérale, et aux radicaux-anticléricaux; et se distingue de Maurras qui, dit-il, méprise le peuple...

J.B. et Georges B. ont partagé ces premiers mois de guerre dans le même escadron de réserve des dragons.. Peut-être se sont-ils rencontrés sur ce qu'ils ont en commun, à savoir leur pensée politique et sociale, à contre-courant de l’idée courante et républicaine... Tous deux regrettent la dépossession progressive des états, au profit des forces industrielles et bancaires ; l'avènement triomphal de l'argent... Tous deux jugent sévèrement, la bourgeoisie qui s'enrichit ( la loi du plus fort...) et, l'Eglise qui qui ne s'y oppose pas... Si la société devient matérialiste, et athée ; elle sera amenée à devenir totalitaire, le politique se pliant aux règles économiques...

Mort au champ d'horreur...

Tous deux échangent, sur leur compagne . G.B. vient de rencontrer Jehanne Talbert d'Arc ( descendante de Jeanne d'Arc) qui deviendra sa femme en 1917... J.B. sera resté fidèle à Anne-Laure. Indépendant, et passionné de sciences, il aura partagée avec elle l'essentiel : l'amour et la quête... Et, pour Lancelot, J.B. aura été et restera cette image paternelle fondatrice qui accompagne tout individu, s'il a eu la chance de grandir avec... Plus tard, Lancelot, se reposera sur ce lien tragique créé par la Guerre, pour retrouver en Georges Bernanos, non seulement des échos de son enfance ; mais un guide dans cette étrange période qui s'avère être une fin, et un début...

G.B. avant la guerre, vivait ses convictions dans l'action. Il croit avec Maurras, qu'il est possible de renverser la République. Il pense même, pouvoir faire une alliance avec des révolutionnaires pour proposer une synthèse monarchiste - sociale-syndicaliste avec un ciment chrétien. Bernanos fréquente alors le Cercle Proudhon, avec des disciples de Maurras, de Sorel et de Péguy... jusqu'en 1914 ; quand tous ces rêves furent humiliés !

Mort au champ d'horreur...

G.B. et J.B. sont entrés dans les ténèbres de l'horreur ; tous deux dans les rangs du 6e régiment de dragons (anciennement les dragons de la reine … !).

C'est : 9,5 millions de morts ( + de 1,3 million en France) et disparus, soit plus de 6 000 morts par jour que l'on va comptabiliser..

Le sentiment qui empli la vie d'Anne-Laure de Sallembier pendant la Guerre, est la honte... Honte de cette brutalité, honte de ces hommes de pouvoir, intellectuels, savants et politiques... Honte de cette obscénité... Elle écrit même, quelque part, qu'elle ne comprends pas « que l'on puisse décréter indécente l'idée d'un corps de femme qui frémit d'aise ou de plaisir à la caresse d'un homme bienveillant, et non pas l'acte de guerre qui tranche le corps d'un homme, pour le rendre invalide ».. !


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