Ceux qui dorment tels des loirs ne peuvent s’imaginer à quel point Morphée peut se laisser désirer sans jamais prendre dans ses bras ceux qui pourtant ont déposé les armes à ses pieds… Elle aime trop séduire pour choisir de succomber, elle fait mine de vous enlacer et glisse entre vos doigts, elle va de désirs en tocades, fait mille coquetteries pour aller s’enticher de qui n’a rien demandé.
Ces prétendants se bousculent dans ses draps, c’est à qui l’emportera au prix de rêves sans mémoire, ceux qu’elle prend chaque nuit en otage supplient qu’on lui paye une rançon au prix qu’elle fixera, plutôt souffrir hantises et cauchemars que languir qui ne vient pas…
Sans répit elle virevolte, distribuant ça et là de quoi ressasser. Elle semble tout près d’arriver puis s’envole s’approcher de qui aura mieux su la charmer. Elle creuse des cernes à ceux qui ne lui tombent pas dans les bras, poudre la mine de ceux qui la flattent… C’est une aguicheuse sans remords, une frôleuse d’alcôves, une chipie moqueuse qu’on implore pourtant chaque soir de bien vouloir venir border nos songes…
De guerre lasse traine sur la table de nuit de quoi la duper : une pilule aussi blanche que les nuits qu’elle peut terrasser, serait pécher que d’y renoncer avant que l’aube soit venue… Sans elle le petit matin nous trouve blottis au creux d’oreillers grognons, la paupière lourde de ce qu’il reste de nous, tout chiffonnés sous nos édredons…
L’insomniaque endure ses journées tels les amants impatients de se retrouver, mais l’un des deux est en retard au rendez-vous ou ne viendra jamais plus…