LE MILAN
I l est apparu très haut sous le plafond gris des nuages, un milan.
Il planait lentement, un seul trait noir, comme s'il voulait nous couver et nous guider, nous faire savoir qu'il était là, lui qui jamais ne se montre, nous rassurer, simple parole sans autre signification que celle-ci : je suis là.
Et c'était comme si un chuintement glissait dans le ciel mouillé, comme si quelqu'un s'essayait à chanter sans y parvenir mais chantait quand même par cette absence à la place de sa voix, par le glissement mouillé de son vol dans le silence des nuages,
comme si quelqu'un chuchotait d'à la fois très proche et très lointain, nous suggérait son secret sans vraiment nous le dire et que cela suffisait, nous suffirait pour toujours, nous donnerait assez de courage pour repartir, pour vivre tout ce qui nous restait à vivre,
oiseau aperçu très haut, dans l'intervalle et la rupture,
oiseau aimé,
oiseau lointain.
Jean Marc Sourdillon, " La déhiscence ", L'Unique Réponse, poèmes, éditions Gallimard, Collection Blanche, 2020, page 11.