Les témoignages ont rapporté que c'était une guerre où l'on est tué, plus que l'on ne tue ; et sans voir l'ennemi. Le héros est un soldat qui s'offre aveuglément à suivre des ordres venus de l'arrière...
Pendant ces quatre années, Anne-Laure n'était retourné à Paris, que très rarement et par obligation... Comment pouvait-elle à nouveau fréquenter le monde, côtoyer ces aristocrates, ou grands bourgeois et aussi leurs domestiques, maîtres d'hôtel et grooms; comme si de rien n'était...?
A Cochet (*) écrit que les Parisiens de 1916, ont perdu la conscience du drame humain... Que reste-t-il ? " Il semble donc qu'à Paris, la guerre se réduit à un thème décoratif, à des stéréotypes auxquels, par exemple, la mode féminine se conforme facilement. Le modèle national est le masculin, le militaire (...) "
" La mort de millions d'inconnus nous chatouille à peine " écrit Proust ... " pour les autres, pour les Verdurin (ou pour Proust lui-même ?), les noyés du Lusitania, " les hécatombes de régiments anéantis ", restent des notions, des images qui ne peuvent susciter que des " réflexions désolées ", nécessairement conventionnelles. "
" Madame Verdurin, est contrariée par la guerre qui raréfie les fidèles de son salon (...), tandis que Proust affirme qu'" elle ne voulait pas les laisser partir, considérant la guerre comme une grande " ennuyeuse " qui les faisait lâcher. Aussi, elle aborde la guerre avec ironie."
" Pour l'ensemble des non combattants, cette tranquillité morale - oscillant de l'oubli à l'indifférence - traduit aussi la confiance dans l'évidence de la victoire (...) ".
Les Parisiens auraient-ils oublié en 1916 le risque permanent de la mort qu'assument les combattants ? On assiste à une scène typique de Proust avec un " pauvre permissionnaire " les " restaurants pleins et " les vitrines illuminées ", qui regarde " se bousculer les embusqués retenant leurs tables " avant de se précipiter au cinéma. Il résume, selon Proust, toute " la misère du soldat ", " non la misère du pauvre mais celle de l'homme résigné (...) "
Sources : (*) Cochet A., L'amour de la patrie dans " Le temps retrouvé " de Marcel Proust, 1998.,Bernanos n'a pas abandonné, pour autant, son rêve d'enfant... Il condamne la ligne sociale conservatrice de l'Action Française, et envoie à Maurras, en 1919, sa lettre de démission...
" (...) Il ne faut plus décevoir les enfants de France, jamais. La seule tradition de ce peuple, qu'aucune secte, qu'aucun parti n'ose, n'est capable de revendiquer, la seule qu'aucun parti, qu'aucune secte ne saurait assumer, parce qu'elle ferait plus que les écraser, elle les rendrait ridicules, c'est celle de la chevalerie chrétienne française, C'est celle de la chrétienté, C'est celle de l'honneur de la chrétienté. " dans ' Nous autres Français '
BernanosSous le titre " Nous autres français " sont réunis des pamphlets de Georges Bernanos écrits en 1938 et 1939. Bernanos n'a alors rien perdu de ses convictions... Bien après la Grand Guerre, il s'engage alors, en 1936 contre la "Croisade" du général Franco, contre Maurras, et en général contre les milieux catholiques réactionnaires et conservateurs.
La religion n'est pas une idéologie, ni l'Eglise un parti. Seul l'esprit de la chevalerie chrétienne peut avoir un impact sur les forces politiques de droite ou de gauche, mais aussi sur l'Eglise. L'honneur n'est pas un concept qui s'explique par la logique ou par les raisons. Le concept appartient à une autre dimension, se situant au dessus des raisonnements intelligibles. Bernanos refuse de voir l'honneur comme un concept faisant parti d'une idéologie ou une doctrine quelconque. " Il n'est besoin que d'un court dressage pour faire un fanatique, au lieu que l'élaboration d'un type humain comparable à celui de l'ancien chevalier français reste le travail des siècles. " ( Nous autres Français, page 237 ).
Donc - ce 11 novembre 1918 - ils annoncent qu'à 6 heures du matin, dans la clairière de Rethondes (forêt de Compiègne) des généraux ont signé l'armistice, dans un wagon-restaurant qui - avant la guerre - emmenait les Parisiens à Deauville. ...
Il y a comme une atmosphère d'irréel, difficile à disparaître, qui à force de s'être répandue sur toute chose a modifié le quotidien ...
Bernanos propose que l'on écrive sur le monuments aux morts : " La Victoire ne les aimait pas "
Winston Churchill a 44 ans ; après être allé au front, il est ministre de l'Armement ; il écrira : " Les cloches sonnèrent, et je n'éprouvai aucune allégresse. Rien ou presque de ce qu'on m'avait appris à croire n'avait survécu et tout ce que l'on m'avait appris à croire impossible était arrivé. [...] La victoire était indiscernable de la "
Les vivants font la fête ; ils disent que c'était la "der des ders".