Béatrice Marchal | Dans l’écho de pas anciens

Publié le 24 novembre 2020 par Angèle Paoli

DANS L'ÉCHO DE PAS ANCIENS
(extrait)

M aintenant que s'est apaisé le chagrin de ta mort, Béatrice Marchal, " Dans l'écho de pas anciens ",
quand dans l'action d'une journée, surgit
ta pensée, j'en use avec elle
comme de ces impressions fugaces
qui errent échappées des profondeurs
aux lisières de la conscience,
ténues, prêtes à s'évanouir
faute d'une attention aigüe,
je tâche à la tenir au second plan, je la réserve
de peur que son parfum ne se dissipe,
ne se fige ton image vivante
chatoyante, riche en contrastes,
le calme revenu je la retrouve,
mèche de cheveux oubliés au fond d'une armoire,
qu'on retourne entre ses mains
sans savoir que faire de ce gage.
De ce que j'ai écrit sur tes dernières
années, j'attends avec angoisse et impatience
de le partager avec d'autres
comme si, pour me rendre quelque chose
de toi, de ta présence, de ce que nous fûmes
l'une par l'autre,
l'une pour l'autre,
ces pages avaient besoin de les traverser,
de réveiller en eux,
comme un rai de lumière dans l'obscurité,
des souvenirs trop lourds pour les affronter seuls,
qui comprendra
que ce livre est une pierre nécessaire qu'à coups
d'indifférence les passants descellent,
la construction, inachevée, vacille,
je n'en maçonne que plus soigneusement de nouvelles
briques, je les encastrerai dans la béance
exacte de ma chair, je me redresserai.
Élargir le présent suivi de Rue de la Source, éditions Le Silence qui roule, Collection " Poésie du Silence ", 2020, pp. 24-25.