En 1918, à la fin de la Guerre, Lancelot a dix huit ans ; il va bénéficier pendant ces années vingt, de « l’admirable foisonnement d’idées et d’œuvres de la période, » et de « la véritable liberté dont les gens ont joui alors » (Sartre)...
Ce qui va suivre est une reconstitution de ce qu'a pu vivre Lancelot, à partir du journal, et des notes éparses qu'il a laissé ; afin d'enrichir et poursuivre la Quête...
Lancelot et sa mère, viennent de vivre - en retrait, à Fléchigné - pendant ces quatre ans, « un désert » selon l'expression d 'Anne-Laure. Pour le jeune homme, ce fut aussi un temps ''béni'', un présent inestimable qui prendra toute sa vie une valeur de plus en plus grande. Car enfin, il s'agissait de quitter Paris, et vivre proche d'une authenticité naturelle,, quitter le petit lycée avec sa rigidité infructueuse, et enfin bénéficier de la présence de sa mère...
Il s'est arraché sans effort de la camaraderie ambiguë du collège, et y a gagné l'amitié amoureuse de Suzanne. Suzanne est la fille d'un couple, locataire d'une ferme appartenant au domaine de Fléchigné. Les bâtiments de la ferme, sont les plus proches voisins du manoir. Le mari, fermier, est parti au front ; il est rapidement tombé au « champ d'horreur ». Des réfugiés belges sont venus aider... Ces événements ont rapprochés les deux adolescents, qui utilisaient tous les stratagèmes pour se retrouver.
En 1914, Suzanne n'a que treize ans; elle aime écouter Lancelot lui rapporter le contenu de ses lectures, sa passion pour les chevaliers, les histoires du Graal …
Elle aime bien se serrer contre lui; mais le repousse s'il veut l'embrasser, car ce genre de choses s'apparente à ce dont il faut s'accuser quand on va à confesse... Oui, elle aime Lancelot, elle voudrait bien même, se marier avec lui...
Pourtant, une fin d'après-midi, avant de la quitter, il la serre contre lui :
- On peut bien s'embrasser sur la bouche, puisque que plus tard, on se mariera.
- C'est pas possible...
- Pourquoi ?
- J'ai demandé à ma mère, si on pouvait se marier ensemble ; et elle m'a dit que ce n'était pas possible...
- Pourquoi... ?
- Parce que tu es noble... Tu devras te marier avec une fille noble … C'est ainsi...
- Si je suis noble, je peux faire ce que je veux.. ! Et, si je veux me marier avec toi, je le ferai !
Ils ont grandi ces quatre années ensemble. Ils se sont embrassés, et surtout ils ont parlé. Lancelot écrivait un journal ; il s'empressait ensuite de lui lire ses pensées, parfois des poèmes...
Déjà, Lancelot recherchait ''La Femme'' tandis que Suzanne attendait un ''amoureux'', c'est à dire un homme qui se destinait à elle.
Ces quatre années furent un temps béni, aussi, pour tout ce qu'a pu lui apprendre l'abbé Degoué... Non pas, qu’il était savant de tout ce que Lancelot étudiait ; mais parce qu'il était son interlocuteur pour réfléchir, raisonner, rechercher un savoir dans la bibliothèque familiale ; et même enquêter pour approfondir une connaissance... Une pédagogie qui s'est avérée bien plus efficace que toutes les leçons dispensées au lycée...
Même s'il n'a pas perdu son temps, la guerre n'a t-il pas compromis la suite de ses études.. ?
L'abbé Degoué convainc la comtesse, que son fils, à dix-neuf ans, possède sans-doute plus de connaissances que la plupart des jeunes gens de son âge ; et si ce n'est de connaissances, de réflexion et de possibilité de raisonner, de progresser... De plus, sa jeunesse lui permet d'entreprendre sans préjugés, sans suivre les règles établies... Il aborde, questionne quiconque sans crainte de le déranger. Il dérange parfois, et s'en étonne...
Il devrait pouvoir poursuivre facilement des études à Paris. Mais, que souhaite t-il faire... ? Lancelot n'a aucun projet professionnel, seule sa curiosité le guide... Certains jours il voudrait persévérer dans les mathématiques ; d'autres, il se verrait bien comme ''homme de lettres'', ou mieux encore historien...
Lancelot n'est pas pressé ; et son premier désir serait d'aller en Angleterre, afin de pratiquer la langue anglaise ; et s'affirmer... En réaction, sans-doute, au voyage que sa mère et J.B. ont fait , sans lui … !
Anne-Laure de Sallembier craint la rencontre entre la liberté de mœurs de ses connaissance de Bloomsbury, avec la jeunesse de de son fils... Il pourrait être surpris, déboussolé...