Jeanne Bastide, Un déjeuner de soleil

Publié le 07 décembre 2020 par Angèle Paoli

J e suis la femme qui regarde son passé, se tourne vers le futur, puis se retrouve à l'envers. Oui, à l'envers. À l'extérieur d'elle-même. Comme un gant. Mon cœur à vif, les poumons prennent l'air goulûment, mon sang ne fait pas qu'un tour. Il s'en donne à cœur joie, le sang, à circuler ailleurs que dans des chemins tout tracés. Jeanne Bastide, UN DÉJEUNER DE SOLEIL
(extrait)
Et les pensées en plein air - aérées. Des idées royales - un lion, une lionne devenue. L'espace s'agrandit à la mesure de mon regard. Ne sais pas où je vais. Mais je sais que l'envers peut se mettre à l'endroit.
[...]
Aujourd'hui.
C'est le jour où quelque chose s'accomplit.
Il y a un chemin qui dit son cheminement, un oiseau son vol et toute la contrée est fleurie de paroles.
Les mots sont matière aérienne, quand ils se plantent deviennent parfois banderilles.
Non, il ne suffit pas que les saisons se renouvellent.
Encore faut-il savoir que la fin n'est jamais la fin. Tout se renouvelle.
Savoir que le vent en nous, appelle.
Que le silence est fait de petits bruits.
Et qu'il faut s'absenter de soi pour être dans la création.
Il faut que les morts nous accompagnent.
Nous poussent, nous tirent, nous bousculent avec l'injonction d'aller jusqu'au bout de nous-mêmes... À la limite du vivant.
Il faut que le soleil soit dehors et dedans.
Que la terre tourne malgré notre désir de rester immobile. Accepter de trébucher contre trop de lumière. Inviter le rire et sa houle. Récoler les graines de la main tendue.
Et en faire un pain à partager.
Un déjeuner de soleil, L'Amourier éditions, Collection Thoth, 2020, pp. 52, 58.