J’ai une calculatrice qui jusqu’ici semblait dompter tous les chiffres que je lui soumettais. Mais voilà que depuis quelques jours, elle s’emballe fiévreuse défilant son ruban de papier sans jamais s’arrêter ! Elle me fournit des résultats dont le nombre de « zéro » rend impossible qu’il puissent représenter le peu que j’ai réussi à économiser, et me laisse pantoise en imaginant que ce puisse traduire tout ce qu’en si peu de temps j’ai réussi à dépenser !
Perplexe j’ai additionné à plusieurs reprises la suite effrénée de tous ces chiffres affolés, mais cette calculette s’entête à me répéter que je suis un panier percé ! Vexée, j’ai tenté de lui expliquer qu’à tout ça il fallait retrancher ma générosité, mes folies et tout ce qui ne m’était pas destiné, elle n’en veut rien savoir sous prétexte que ces dépenses là sont toutes à imputer au même compte de rouge coloré !!!
C’est impressionnant comme cette donneuse de leçon a tendance à ressasser !
Elle me dit qu’à ce train là je finirai sur la paille, à condition bien sûr, qu’elle aussi je ne la flambe pas ! Elle me suggère petit cochon, tirelire ou bas de laine, je lui rétorque que « plaie d’argent n’est pas mortelle« , elle s’agace et m’enjoint de tenir fermer mes fenêtres, mais je suis un vrai courant d’air, pour qui le temps n’est pas d’argent…
Certes, tout salaire n’est pas « argent de poche », il n’y aurait pas de petites économies, m’assure t’elle, mais je ne suis pas fille d’Harpagon, lui rétorquais-je, mais sans aucun doute fille prodigue sans plus personne pour réparer mes bêtises…
« Ventre plein sonne bien, ventre creux sonne mieux », et vous le savez bien d’abord, lui dis-je fort aise, « l’argent n’est jamais garant de bonheur », « mais il y contribue » me répond t’elle sournoise…
Je ne pouvait ainsi capituler devant ses comptes d’apothicaire sans lui rendre une dernière fois la monnaie de sa pièce… Les mots, comme les sous me manquaient, mais en grattant le fond d’un tiroir, j’ai trouvé d’autres richesses :
« quelques joncs dont je me suis tressé un nouveau panier où j’ai glissé un grillon, une nuit de décembre, un ciel bien lessivé par un matin tout blanc de gelée, et ce bonheur d’offrir qui se mélange à l’ombre » Imaginé d’après quelques vers de poésie de Claude ROY (Biographie).