La très grande bibliothèque

Publié le 24 juillet 2008 par Lili

Roman, nouvelles, essais, policiers, revues, journaux, Science Fiction, magazines, journaux gratuits, récits fantastiques, littérature classique, documentaires, analyse financière, informatique, philosophie …Où peut-on trouver des documents aussi éclectiques?

Le métro, une des plus grandes bibliothèques!

Je ne dépareille pas de mes co-voyageurs, le wagon se métamorphose chaque jour en une immense salle de lecture. N'est-ce pas fascinant ce nombre incroyable de lectures dévorées dans le RER?

Cependant, les yeux rivés sur les pages de mon livre, je ne peux m’empêcher de savourer une curiosité intéressée. Mais que lisent-ils?

Je m’attarde sur les titres de romans. Certains me parlent, je les connais, les ai lus, appréciés ou dédaignés, d’autres, inconnus, m’inspirent, excitent ma curiosité. Je brûle de leur tapoter sur l’épaule en les questionnant, aiment-ils ce roman, est-ce un bon livre, est-il bien écrit, passionnant, agréable à lire, lecture facile ou complexe, le conseillerez-vous à un ami ?

Je m'amuse en m'imaginant bibliothécaire de la TGB, oui, la Très Très Grande Bibliothèque, bibliothécaire des transports. Les gros pavés, les romans fleuves, les polars, les best-sellers, des livres partout…

Parfois deux Harry Potter se rencontrent ou bien deux Ensemble c’est tout, ou deux Harlan Coben, après un léger embarras, s’installe un regard complice, amusé, puis on regarde discrètement l’épaisseur des pages lues, vient-elle de commencer l’ouvrage, sait-il déjà que Harry en pince pour Cho? A-t-elle compris pourquoi Camille ne veut plus dessiner ?

Mais voilà c’est une bibliothèque morte toutes ces questions restent intérieures, personne ne se parle, n’échange d'avis sur ses propres lectures. N’est-ce pas dommage ?

On pourrait se donner des tuyaux, partager des émotions, le plaisir de lire, échanger avec des personnes que l’on ne fréquente pas d'habitude, échanger uniquement à propos d'un livre sans tenir compte du curriculum vitae du lecteur, sans savoir d’où elle vient, où il va, juste recueillir ses émotions, son ressenti par rapport au livre, un vaste micro trottoir non médiatique sincère et spontané, quelles perspectives fabuleuses!

J'observe les lecteurs concentrés, la bouche pincée, les sourcils froncés, le regard sautillant de mots en mots ou bien le sourire retenu effleurant à peine leurs lèvres, ou encore les yeux mi-clos, voire fermés, lorsque le livre glisse légèrement de leur main.

Curiosité indéniable, Curiosité gratuite, je le reconnais.

J'utilise quelques subterfuges pour la satisfaire. Lire à l'envers, refaire mon lacet, farfouiller dans mon sac à mes pieds ou bien me déplacer me permet de parvenir à mes fins. Je croise vigoureusement les doigts, espérant que le propriétaire, avant de descendre à la station prévue, refermera l'ouvrage dont la couverture me dévoilera enfin son secret. Malgré tous mes efforts, une étrange frustration m'envahit lorsque, mes tentatives discrètes demeurant vaines, le titre conserve son mystère.

Cette fois, je ne sais pas, je n’ai pas vu et ne saurais jamais ce que la personne lisait.

Aurais-je pu lui poser la question, aurais-je osé?

Ne serait-ce pas étrange ? Déconcertante pour la personne interrogée ?

C'est pour ma collection, justifierais-je…

Le butin d’aujourd’hui est conséquent:

Mozart de Christian Jacq

Le Monde

Le Parisien

Moi Christiane F. droguée, prostituée

Les années d’espoir

Enjeu pour un développement européen

La règle de quatre

La vie des insectes

L’aliéniste Caleb Carr

Faux rebond Harlan Coben

Cloner le christ

Ensemble c’est tout

Le prince de sang mêlé

Qu’apprend-on à la maternelle ?

La dernière récolte John Grisham  

Le plus beau des mensonges ( Belva Plain)

C’est fini pour ce soir, je range mon carnet et je descends du wagon en sautant sur le quai éclatant de pluie, les giboulées de mars arrivent enfin en mai.

Mon sac sur le dos, je dévale les escaliers pour emprunter le passage souterrain qui permet de traverser la voie et d'atteindre la rue dans laquelle se trouve l'arrêt de bus. Juste devant moi, j’aperçois alors une femme perchée sur les talons de ses bottines vernies, qui trottine en petites foulées le long du couloir souterrain. Mon regard est inexorablement attiré par ses longues jambes que l’on aperçoit émergeant de son imperméable. Ces motifs bariolés aux couleurs si vives m'intriguent. Est-ce un pantalon ? Un collant plutôt, je m’approche subrepticement et lorsqu’elle monte les marches qui nous séparent de la rue, je reconnais les motifs sur son collant. Une bande dessinée est imprimée sur le tissu, ses dessins, ses bulles, tout y est.

D'une manière plus originale, elle aussi, emporte de la lecture dans le RER. Très judicieux en cas de panne de bouquin!

Je sors à nouveau mon carnet et ajoute avec application mon dernier trophée de la journée: BD sur collant