En guise de revue de presse cette semaine, le script d'un débat au sein de la rédaction de "Zébra" : Heldar estime que Cabu vaut bien Daumier, tandis que Zombi, lui, argumente en faveur de la supériorité de Daumier sur son "héritier".
HELDAR : Vraiment pas mal le dernier Cabu ("Le Rire de Cabu", ed. Michel Lafon) ; Cabu est bien "notre" Daumier. Bien sûr la comparaison est boiteuse parce qu'esthétiquement Daumier est un cran au-dessus, mais pour la variété de sa caricature politique et le comique de ses légendes, Cabu est très supérieur (pas difficile, d'ailleurs !)
ZOMBI : La variété ? Non, Daumier dépasse nettement Cabu ; d'abord Daumier est contemporain de l'âge d'or de la presse, de Paris "capitale des beaux-arts" ; Cabu, lui, est contemporain d'un monde américanisé, où le dessin et la satire n'ont plus leur place. Cabu n'a pas son Baudelaire, il est isolé, presque incompris - la preuve : les gogos "Tous Charlie" qui pleurent Cabu comme un martyr et déposent des "ex-voto" Place de la République !
Et puis Cabu a beaucoup trop dessiné le personnel politique ; or la politique ne passionne en 2020 que les intellos. A cause de la télé, de la presse quotidienne, de l'école, le quidam est forcé de s'intéresser à la politique, mais en réalité il n'y a rien de plus ennuyeux que la politique contemporaine, sauf la musique électronique. Cabu rend un peu moins assommant le jeu de ping-pong politicien (exactement comme Trump).HELDAR : Tu es sévère pour Cabu... Sed contra... La politique sous Louis-Philippe (1830-1848) était encore plus ennuyeuse qu'aujourd'hui !
ZOMBI : Oui, et Daumier en a bien résumé l'ennui. J'ai vu ses têtes de parlementaires récemment dans la vitrine d'un antiquaire - des copies ; ils sont tous déjà là : Mitterrand, Sarkozy, Hollande, Le Pen, Mélenchon... On crève déjà d'ennui. Le meilleur de Cabu, c'est du Daumier. Le meilleur de Cabu, c'est la caricature de Paris, sa ville chérie, vendue aux industriels du BTP par ce maquereau féministe de Jacques Chirac.
HELDAR : Cabu, comme Bretécher d'ailleurs, est quand même moins nul que la sociologie des snobs bobos...
Propriétaire parisien saluant son locataire, par H. Daumier.