Magazine Humeur

1921 – La Littérature – Colette

Publié le 15 janvier 2021 par Perceval

Pour Jeanne, c'est le style qui fait l'écrivain ; ensuite il doit pouvoir tout dire. Le style est un peu comme le corps, et la pensée du texte comme l'âme... Le style se doit d'être charnel ; s'il n'est qu'idées, la pensée sera sèche et triste ... Colette, comme Gide - quoique différents - en sont de beaux exemples...

1921 – La Littérature – Colette
Colette 1920

Colette recherche la Beauté, tant pis si la vérité en est travestie. Même un roman, cela doit être de la poésie : il faut peaufiner le son, l'image... Colette s'amuse à inventer des mots :

- Tiens, écoutes : " le los de la crépellaine, du bigarella, du poplaclan, du djirsirisa et de la gousellaine - j'en oublie ! - une griserie phonétique me saisit, et je me mets à penser en pur dialecte poplacote. (...) j'empoigne mon filavella, je chausse mes rubespadrillavellaines et je coiffe mon djissaturbanécla ; la marée baisse, voici l'heure d'aller pêcher, dans les anfractuosités du rockaskaïa, le congrépellina et la dorade zibelinée. "

A propos de '' Chéri'', Colette a écrit : " (...) Chéri est pour moi d'ordre symphonique. Son mutisme comporte le pouvoir désagrégateur de la musique, emprunte des désordres aux timbres instrumentaux et surtout vocaux. (...) Je ne fais à Chéri l'honneur de le rapprocher de la musique que parce que celle-ci est le délectable agent de toute mélancolie. "

- Pourquoi choque t-elle ?

Jeanne répond que cela choque les hommes, et seulement certains... Colette métamorphose ce qui pourrait être pervers... Willy était pervers, mais Colette sublime ce qu'il voulait la faire écrire...

- Son style, c'est le plaisir du corps à travers tous les sens. En fait, j'aime le grand style, classique... C'est pourquoi, je t'ai pris, toi ... le monarchiste... !

- Menteuse ! C'est moi, qui t'ai approché, j'ai forcé ta garde de jeunes prétentieux... J'ai pris des risques...

- C'est vrai... T'annoncer ainsi comme monarchiste... Ça m'a plu... J'aurais aimé être une princesse à la cour de Versailles... J'y serais l'épouse d'un vieil homme que je mènerais par le bout du nez, et j'aurais plein d'amants, à la faveur de leur talent littéraire.... Et toi.. ? Tu pourrais être mon page ... Tu me désirerais, mais je ne te concéderais qu'un amour courtois... Mais bon, c'est trop tard....

1921 – La Littérature – Colette

Rencontrer Colette, semble affaire délicate. Les Jouvenel sont installés dans un petit hôtel particulier, au 69 boulevard Suchet, dans le 16ème, à la limite d'Auteuil et du Bois de Boulogne. Mais, Mme de Jouvenel ne reçoit pas ...

Lancelot et Jeanne, finalement, la rencontre au quatrième étage de ''la maison rouge '', comme on l'appelle à cause de sa façade écarlate, du boulevard Poissonnière, le siège du Matin. C'est un vendredi après-midi, quand Colette, directrice littéraire, reçoit les auteurs. Elle se tient derrière son bureau américain, encombré de manuscrits et de boîtes de bonbons ; à ses côtés, un autre bureau avec Hélène Picard, sa secrétaire et amie...

Colette s'étonne qu'ils viennent à deux.... " comme c'est mignon... " ; qu'ils n'aient aucun texte à lui proposer, et donc.... ? Un conseil ? " Il ne faut pas faire de la littérature, et ça ira "... " Si vous voulez rencontrer un véritable écrivain, allez voir Proust. "

1921 – La Littérature – Colette

- '' Chéri'' est mon premier vrai roman, différent des ''claudines'' ou ''vagabondes''... Je l'ai envoyé à Proust, à Gide ; ils l'ont apprécié.

" Le récit qui ne craignait naguère ni redites ni hors-d'œuvre, et semblait n'obéir qu'à une libre fantaisie de poète, apparaît dans Chéri discipliné, resserré, dompté. [...] Tout dans ce livre pourrait se donner en modèle : la composition, et notamment l'exposition du sujet dans les vingt premières pages, l'étude des caractères, la vérité du dialogue, la qualité du style. Colette a pris pleine conscience de son art spontané, et domine ses dons au lieu de s'abandonner. Elle travaille désormais à la façon des classiques, sans plus rien demander au subconscient, et n'écrit plus un mot qu'elle ne l'ait prémédité. [...] Elle est de nos grands écrivains le seul qui, depuis la guerre, se manifeste autre que nous la connaissions déjà, sans rien perdre de ses qualités d'antan. " Benjamin Crémieux, La Nouvelle Revue Française, 1er décembre 1920.


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine