À propos de l'inévitable révolution à venir, à l'enseigne du "changer la vie" de Rimbaud, qui se fera tout tranquillement par les bonnes gens découvrant la vie belle...Ce lundi 18 janvier.– L’insomnie m’a inspiré cette fin de nuit, entre quatre et six heures du matin, une réflexion quelque peu délirante sur le thème à la fois vague et précis du fameux «changer la vie » de Rimbaud, qui se ferait non par la force ou la contrainte mais par la douceur et réellement profitable à tous et à tous égards, sur quoi m’est venue, avant de retrouver le sommeil et un rêve plus fou que ma rêverie (j’étais au sommet d’une montagne en compagnie d’un samouraï), une espèce de poème noté fissa en sept minutes, que j’ai intitulé Au doux parler.CRISTAL DU SONGE. – Je n’aime pas parler de « poèmes » à propos de mes bouts rimés, et j’exclus tout commentaire lorsque je les publie sur Internet, comme il en irait d’objets trouvés sur une grève qu’il serait à mes yeux déplacé de qualifier de « bons » ou de « mauvais », pas plus qu’il n’est sensé de critiquer un tesson en bien ou en mal.Il est vrai que je compte les pieds de mes vers, mais c’est juste affaire de rythme et de sonorité, l’apparition du premier et l’enchaînement de ceux qui suivent relevant plus de l’instinct verbal ou du subconscient que de l’artefact, mais il en va à mes yeux de la poésie comme de la pensée, qui découlent, comme le disait le disgracieux Paul Verlaine au verbe (parfois) de pur cristal, «de la musique avant toute chose», et cela rejoint le Rimbaud des Illuminations qui me touche (parfois) au plus profond pour je ne sais quelle raison.Donc voilà pour ma « musique » de ce matin :Au doux parlerLe style nouveau de la douceur,le fameux dolce stil;si dice: dolce stil nuovo,rétablit la valeurde la douce chanson des mots...À l’insane jactance en cours,au discours des chaos,le style subtil au jour le jouroppose l’harmonielabile des oiseaux...Tu es telle mon hirondelle,dans le torrent des airs,en joyeux tourbillons,que les vers en ribambellesà leur tour jailliront ...Au fond du ciel est un mobilesecret et radieux,dont la grâce efface la trace,tout au plaisir présentd’un murmure volubile...CONTRE PASCAL. – En toute modestie quasi onirique, non moins qu’enfantine, je me disais ce matin, entre deux sommeils, que l’Éloge de la douceur auquel j’aimerais me consacrer en mes derniers temps impartis serait un recueil de notations pratiques, politiques ou poétiques qui prendraient en somme le contrepied des Pensées de Pascal que je suis en train de relire, plaidant - contre toute apparence -, pour la bonté fondamentale de la créature humaine moyenne, la restauration d’une confiance universelle en celle-ci (moyennant son propre effort de changer de vie) et le décri de la théologie exaltant les bienfaits de la douleur et les méfaits d’un Dieu mauvais.Tout sublime qu’il soit en sa langue de colombe à fiel verbal de vipère, Pascal me semble en effet d’une dureté à côté de laquelle un Voltaire fait figure d’aimable compagnon, même si je déclinerais l’offre de passer mes vacances avec l’un ou l’autre, ou à la rigueur aux eaux avec Voltaire, mais à distance.À vrai dire il y a de l’ayatollah chez Pascal, qui dit à peu près ce que proclament les fanatiques d’un Allah janséniste : que le monde est immonde et que plus on le hait et plus on est digne d’être aimé et sauvé - ce genre d’insanités…DE BONS CONSEILS. – Or c’est tout en douceur que j’envisage ma révolution mondiale, patiemment adaptée à toutes les populations et peuplades, et sans contrainte aucune, en rupture totale de persuasion clandestine, cartes sur table et chiffres à l’appui, en conseillant d’abord à chacune et chacun d’évaluer ce qui ne va pas dans sa vie et, à supposer que ce soit le cas, pourquoi et comment en changer dans la mesure de ses possibilités et en aimable connivence avec son proche entourage et ses voisins de palier; et sans tarder passer à l’action, agir en conséquence, changer de job s’il ne te plaît pas vraiment, changer d’époux s’il te bat, te changer toi-même si tu bats tes enfants, ainsi pour commencer et ensuite continuer en ne faisant que se conformer à ce qu’il y a en chacune et chacun de bon qu’on feignait jusque-là d’ignorer, poil au nez.Peinture: Thierry Vernet. PP LK/JLK.