Magazine Journal intime

Je suis une mercenaire

Publié le 24 juillet 2008 par Cochondingue
Je n'ai jamais démarché, je n'ai jamais pris mon téléphone pour décrocher un contrat. Les clients me tombent tout cuits dans le bec.
Pourtant des fois, je suis blasée. Tant de clients et tant d'argent, ne serait pas un peu trop facile ? Je ne peux plus être cette mercenaire prête à vendre mon âme au Marketing direct. Dorénavant, je ne choisirai que des projets artistiques de qualité.

- Allo, madame Cochon, meilleure graphiste de l'univers ?
- Oui, c'est moi.
- Seriez-vous disponible pour un petit travail ?
- Attendez, je regarde mon planning. Je suis libre à partir du 15 septembre 2014. Cela vous convient-il ?
- Oui, Cochon Suprême.
- Quel est votre projet ?
- Je voudrais un site internet pour ma compagnie de théâtre.
- J'adore le théâtre !
- Le problème c'est que nous n'avons pas d'argent...
- Il y a toujours moyen de s'arranger.
- Ah merci ! J'avais un peu peur de vos tarifs.
- Attention, je ne fais jamais de réduction sur mes tarifs.
- Mais alors ?
- N'avez-vous pas des meubles, une voiture, un appartement, un chat, une collection de Petit Spirou rarissimes que vous pourriez vendre ? Un petit frère ou un rein, un oeil... En fait n'importe quel organe ferait l'affaire.
- Je...
- Revenez me voir quand vous aurez le fric.
- Bien, Votre Sérénissime Altesse Galactique...

Seulement parfois, ça ne se passe pas comme prévu. Par exemple cette semaine, Deudeu m'a proposé de créer un site pour sa société.

Mais Deudeu est un ami et s'il y a un problème de règlement de factures, j'aurais un peu de mal à lui demander un rein...
Néanmoins j'accepte son offre. Je rencontre son boss dans un petit bureau. Pas de tapis rouge, pas de petits bonbons acidulés et pas de vahinés qui se trémoussent pour m'accueillir. Première déception.

L'homme devant moi a l'air d'attendre que je me vende, que je lui déballe mon book et que je commente mes maquettes en démontrant combien je suis extraordinaire.

- Dis Deudeu, tu lui as dit qui je suis ?
- Oui.
- Il n'a pas l'air impressionné... Etrange...

Le boss me dit qu'une fois la maquette réalisée, nous la présenterons devant public et que je serais chargée de défendre la partie graphique.
Argh...

- Deudeu, t'avais-je déjà dit que je ne sais pas parler ? Je n'ai pas eu à défendre mes maquettes depuis la Préhistoire, lors d'une de mes réincarnations à Lascaux. J'avais peint un joli mammouth et bref... mon argumentation était brillante pour l'époque, mais aujourd'hui je me vois mal pousser des grognements primitifs devant un parterre d'inconnus.
- Mais comment tu fais d'habitude ?
- D'habitude, je n'assiste jamais aux présentations. Il y a toujours un commercial qui défend mes maquettes. Tu sais, les commerciaux, ceux qui pourraient te faire croire qu'une rustine trouvée dans une décharge est l'oeuvre de Picasso. Si j'y vais, je vais me retrouver à bredouiller et à perdre mes mots: vous voyez, j'ai choisi d'utiliser un... euh... comment on dit déjà...  Vous savez, le quadrilatère qui a des côtés égaux et des angles droits. Et si on multiplie la mesure de son côté par elle-même, on obtient son aire...
- Un carré...
- Oui, c'est ça, un carré... Crois-moi, je suis une handicapée du micro, une infirme de l'élocution, une amputée du verbe. Et si j'ai choisi de travailler seule derrière mon écran, c'est bien pour cette raison !
- Tu exagères...

J'exagère qu'il me dit, le pro de la communication. Le maître conférencier qui passe son temps à haranguer les foules pour divulguer son savoir me dit que j'exagère...
Mais que vais-je devenir ?



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