+ William Heath Robinson est un illustrateur et humoriste britannique de la première moitié du XXe siècle, célèbre dans son pays mais peu édité en France. L'éditeur Michel Lagarde a eu l'idée de publier un extrait de son oeuvre, comme cet auteur vient de tomber dans le domaine public, sous le titre de "L'Art de rester chez soi", évocateur de la contrainte du confinement ou du couvre-feu.
"Contrainte", pas si sûr, car comme l'explique Jean-Luc Coudray dans un texte accompagnant les caricatures de W.H. Robinson, la société moderne est agglutinée, entassée sur elle-même ; cette agglutination est en effet une des causes de la propagation de l'épidémie de coronavirus malin, si ce n'est sa cause première.
Regroupées sous le titre original (par K.R.G. Browne) de "Comment vivre en appartement", les caricatures de W.H. Robinson se moquent des conditions de vie modernes à travers l'habitat exigu caractéristique de la plupart des grandes villes.
+ Oiseux - comme les efforts pour démontrer que la BD est un "art majeur", ce dont les lecteurs se moquent éperdument à juste titre.
La plupart des "entrées" de ce petit dictionnaire modestement intitulé "Le Bouquin de la BD" (R. Laffont) sont très démonstratives, et beaucoup de ces démonstrations sont arbitraires. Les auteurs sous la houlette de Th. Groensteen ont entendu la critique faite à tel ou tel genre de bande dessinée d'augmenter le volume de la culture de masse, mais ils insinuent que ces critiques seraient démodées et les écartent rapidement pour se consacrer à leurs démonstrations qui reviennent à apposer un label "culturel" sur à peu près tout.
Case extraite de "Un Papa, une Maman", par F. Cestac.
+ Dans "Un Papa, une Maman", Florence Cestac règle ses comptes avec ses valeurs familiales bourgeoises, provinciales et catholiques. Cette BD n'a pas l'effet comique de "L'Arabe du Futur", série dans laquelle R. Sattouf dépeint les ambitions frustrées de sa famille, fondée par un "couple mixte" franco-syrien. L'ouvrage de F. Cestac est plus proche du pamphlet, et il n'est pas certain que la BD y soit propice.
La BD de F. Cestac n'a pas non plus l'effet "glaçant" de "La Familia Grande" de Camille Kouchner, qui dénonce un autre genre d'oppression familiale, plus sournois.
Je me souviens d'avoir été impressionné, au collège, par la lecture de "Vipère au Poing" de René Bazin, où l'auteur règle lui aussi ses comptes avec des valeurs familiales puritaines imposées par une mère abusive, tandis que le pamphlet de F. Cestac vise plutôt son père "phallocrate".
Néanmoins on peut se demander quel public ce genre de pamphlet vise, dans la mesure où l'abus de pouvoir est aujourd'hui principalement le fait de l'Etat, qui a privé peu à peu la famille traditionnelle de ses prérogatives. La famille traditionnelle a l'aspect de ces moulins à vent que l'on visite encore mais qui ne servent plus à rien qu'à l'ornement.
Il n'est plus beaucoup de domaines, y compris intimes (éducation, santé, divertissements...) où l'Etat ne concurrence la famille, voire se substitue entièrement à elle. C'est d'autant plus net en France où l'Etat est sacralisé à outrance.
Qu'il s'agisse de l'Etat ou de la famille, ce sont sans doute moins ces institutions indispensables qui sont dangereuses que leur idéalisation, qui sert de couverture à l'abus de pouvoir.