C’est prendre un crayon pour dessiner ses émotions.
Celles qui affleurent à la beauté d’un paysage, d’une œuvre, d’un sentiment, celles qui couvrent pudiquement un chagrin, une défaite, ou un regret, mais aussi tous les éclats de rire, les sourires et tout ce qu’on n’en pense pas moins sans le dire !…
C’est s’alléger du poids d’une tristesse qui va trouver refuge derrière des mots qui au fil des siècles ont été sculptés, affinés jusqu’à réussir à traduire presque tout ce dont on aurait besoin de témoigner. C’est faire de ces petits morceaux d’écriture de somptueux feux d’artifices quand la joie, le bonheur ou le simple fait d’être là, vivant et vibrant, ne se peuvent plus contenter d’être intériorisés !
C’est aussi laisser s’exhaler les perceptions que l’on croit indicibles. Il peut arriver cependant que ces mêmes mots viennent à manquer quand un regard ou un silence peuvent suffire… Pourtant la langue française est une des plus riches du monde et considérée comme une des plus précises et subtiles… Il faut alors laisser du temps au temps, et imperceptiblement ils vous reviendront, c’est juste une question de patience, s’acharner à les vouloir retrouver sur le champ les éloignent assurément plus longtemps !
La page blanche ne demande qu’à être noircie, parfois il semblerait qu’il y ait tant à dire qu’il arrive qu’on jette les mots sur le papier comme on déverserait un panier après une abondante cueillette ! Ils sont enchevêtrés et difficiles à choisir, il faut les trier, mettre de côté les jumeaux, réserver les plus beaux ou les plus ciselés, éviter les dissonants, ou ceux bien trop prétentieux qui cèdent à l’air du temps…
Au fil d’une plume, ils prennent forme et font des rondes en se tenant par les points, les majuscules ou les virgules. Certaines ponctuations ne sont plus à la mode, en s’appliquant, on s’aperçoit qu’en la matière il y aurait à sérieusement réviser leurs emplois : un point virgule, par exemple, met une touche dans le rythme d’une phrase quand on veut la développer et lui ajouter des analogies sans risquer de s’essouffler, alors que le point préfère y mettre définitivement un terme. Trois petits points, dont j’use allégrement, sont là pour vous faire réfléchir et vous permettre d’imaginer tous les mots que je n’ai pas trouvé ; ils vous autorisent aussi à enrichir ce que j’ai voulu dire avec ceux qui n’appartiennent qu’à vous.
Ils tournent et virent au rythme d’un poème, d’un récit ou d’une lettre qu’on adressera à qui de droit. Ils peuvent être doux ou cassants, abrupts ou bienveillants, ils ont finalement les particularités de ceux qui les manient avec plus ou moins d’agilité. Mais ils peuvent être trompeurs, mielleux , il arrive qu’ils se bousculent jusqu’à vous en faire perdre votre latin, il faut les aligner, les peser, savoir les tourner, et aussi bien les orthographier. Car on peut faire dire tout et son contraire à certains d’entre eux, les écrire correctement leur confère leur juste signification.
L’écriture est ce qu’on a trouvé de mieux pour refléter ce qu’on est, pour exposer ses idées avec le recul nécessaire pour éviter de s’emballer ; l’usage de la calligraphie ou d’un clavier demande cette petite palpitation temporelle, gage de plus de « justesse » sur le sujet. Je conclurai en vous engageant à composer, le seul risque que vous prendriez serait de vous en porter bien mieux !