Les années 20 - L'Action Française. 1
« Je plains tout jeune homme qui ne s’est pas passionné pour ou contre la liberté, pour ou contre le déterminisme, pour ou contre l’idéalisme, pour ou contre la morale de Kant, pour ou contre l'existence de Dieu, pour ou contre Dieu, comme s'il existait » Charles Péguy
Revenons un peu, sur ces années vingt...
Un jour à la terrasse du ''Canon des Gobelins'', Lancelot entend de la table voisine, une conversation entre cinq jeunes gens, étudiants, envisageant leur avenir. L'un deux risque une phrase du genre : « nous avons des projets, des conversations élevées parce que nous n'avons ni femmes ni argent... ». Il avait eu envie de se lever et leur dire : « J'ai ''une femme'' ( à ce moment-là, il pense à Jeanne L.) , et surtout de l'argent.... et je n'ai pas de projet …. »
Ce qui l'avait arrêté, c'était qu'il n'avait pas vraiment ''une femme'', seulement une camarade avec qui il couchait sans faire l'amour... C'était plutôt le début d'une expérience qui s'échappait avec elle... Jeanne était de plus en plus distante, préférant sans-doute d'autres amis, d'autres expériences...
Parmi ces jeunes gens, étudiants de l'E.N.S., trois d'entre eux étaient les seuls communistes ( on disait ''révolutionnaires'') de l'Ecole de la rue d'Ulm..
Lancelot, lui, s’interroge sur son engagement parmi les jeunes de l'Action Française, en particulier au sein de l'Université... ...
Henry Berthélémy, spécialiste de droit public, est le doyen de la faculté de droit. Le personnage n’est pas antipathique ; mais les étudiants de droite lui reprochent de couvrir l’ingérence du pouvoir politique de gauche dans la nomination de professeurs... Un immense chahut est organisé, lors du premier cours de George Scelle, qui vient d'être nommé à la chaire de Droit international - après une mise en concours à la Faculté de Droit de Paris, et la proposition du Conseil de l'Université de nommer Louis Le Fur... George Scelle - chef du cabinet du Ministre du Travail - est nommé par François Albert, Ministre de l’Instruction Publique du Gouvernement Herriot ( Cartel des gauches...) surnommé '' le ministricule ''...
Le slogan des étudiants de l’Action française, en ce 2 mars 1925, est : « M. Georges Scelle ne fera pas son cours ! ». Scelle étant absent, c'est le lundi 9 mars qu'un immense chahut, avec pétards, bris de tables et chaises, empêche le cours...
L'Action Française était restée hors le ''Bloc National'' ( alliances des droites républicaines de 1919 à 1924), et - à présent - se montre très agressive envers le '' Cartel des gauches''...
Georges Valois, influencé par Proudhon, journaliste et anti-intellectuel est l'un des quatre as de l'Action française avec Maurras, Daudet et Bainville jusqu'à sa rupture de 1924-1925.
Dès 1924 Valois affirme avoir perdu tout espoir dans les hommes au pouvoir, et dans le parlementarisme... Il démissionne du Comité directeur de l'Action Française en octobre 1925. Il crée le premier mouvement qui se dit "fasciste" ( ''fasciste'' en référence au Mouvement fondé en 1919 par Mussolini (Fasci Italiani...) ) et la revue le ''Nouveau siècle''... Les ''chemises bleues'' ne supportent plus la ''Fleur de lys'' et inversement...
Parmi les ''talas'' ( les étudiants qui vont-à-la-messe) de Droit, de la Sorbonne, de l'E.N..S. ; les orientations politiques sont diverses : l'Action Française et les socialistes de Sangnier tiennent le haut du pavé. La JR organise des congrès de la Paix qui mobilisent assez bien, certains jeunes... On peut dire toutefois que le Quartier Latin penche à droite.
A droite avec Maurras, plusieurs tendances se dessinent, et finalement se séparent... Louis Dimier part sans bruit, considérant l'aventure comme stérile.. Edouard Berth (1875-1939) imaginait la rencontre de la monarchie avec le bolchévisme qu'il choisit finalement dans les années vingt...
Emmanuel Beau de Loménie (1896-1974) quitte l'Action Française, qui lui semble incapable de s'opposer au grand capital, et propose un ''anticapitalisme nationaliste''...
Lancelot se dit déçu du climat général qui règne dans ''le parti de l'intelligence'' ; des ''petites intriguent détournent les fidèles... Le cercle autour de Maurras se restreint, Maurice Pujo, un de ses proches, et qui codirige le quotidien L'Action française, est très critiqué... On dit que « derrière le journal, il n'y a rien … !». De plus, Lancelot juge que des comportements grossiers ( langage, actions...) défigurent l'image noble du mouvement monarchiste...
La Comtesse de Sallembier, n'est pas une habituée des ''visites'' faites aux personnalités de la Maison de France ; cependant lors des présences à Paris de la duchesse de Guise, elle fait signer son livre de visites et déposer sa carte... En 1926, Lancelot a accompagné quelques étudiants à Bruxelles pour y visiter le Comte de Paris, qui leur a accordé une audience...
La tendance nationaliste déplaît à nombreux monarchistes ; et l'Action Française ne semble plus attirer que des éléments du conservatisme le plus étroit... L'idée même de monarchie avec un prétendant – le duc d'Orléans – inconnu des français, est délaissée au profit d'un parti ''de l'ordre''. ( cf : Louis Latzarus, La France veut-elle un roi ?, Paris, Editions du siècle, 1925 ) L'Action Française n'est plus le parti de la restauration monarchique ; d'autant qu'elle ne pourrait actuellement se réaliser qu'à l'aide d'un ''coup de force'' que Maurras lui-même n'envisage plus...