Maman disait que c’était chaque jour renoncer davantage…
A mon tour je le constate parfois car la raison souvent l’emporte à propos de questions que je ne me serais pas posées simplement dix ans plus tôt. Mais ce ne sont que de ces petites concessions qui n’entament que ce qu’on veut bien leur céder.
J’enrage constamment à « subir » le soin qu’on prendrait de ma santé : l’âge que j’affiche sans fausse pudeur peut commencer à incliner certains à une sorte de respect « désagréable » qui me voudrait « fatiguée » par quelconque activité qui d’ordinaire, siérait davantage à plus jeune… Il m’arrive encore de « travailler », je veux dire par là, de me faire rétribuer pour mes compétences professionnelles qui depuis quelques années ont été obligeamment mises à la retraite, nécessité certes, mais satisfaction également, celui de renouer ponctuellement avec « la vie active », comme si, celle qu’on pouvait avoir chez soi était d’une « paresse coupable » !!!
Non, je ne suis pas « fatiguée », j’assume très bien de reprendre du service, et il me reste après ces journées de « salariée » encore suffisamment d’énergie pour vaquer aux occupations que réclament une maison, un jardin et ce qu’on nomme pompeusement culture (lecture, musique, écriture).
Non, je ne suis pas « courageuse », je prends plaisir à toutes sortes d’opportunités professionnelles qui me sont proposées, et on me chuchote à l’oreille que je serais efficace et « réactive »… Incroyable, non ? Sachez que l’âge offre ce que la jeunesse ne peut encore avoir appris faute d’expérience. Logique absolue.
Non, je ne m’ennuie pas, comment ne pas trouver à s’occuper quand on a la chance de posséder une maison, un jardin, une voiture et un vélo ?… Je réalise moi-même ce que je peux éviter de demander à autrui, je me suis tissé un cocon de douceur où viennent volontiers ceux que j’aime, je fais tinter mes casseroles sur ma gazinière, à l’automne vient le moment des terrines, à l’heure des confitures ma cuisine n’est plus que bassine en cuivre, spatules et verrines. Rien de tout cela ne signe mon acte de naissance ni ne me laisse exsangue lorsque je les aligne bien étiquetées sur les étagères de mon office, mais le regard gourmand de mes petits-enfants y est sans doute pour quelque chose…
Que ces choses là soient dites : les années s’accumulant ne sont pas forcément accablantes. Or je me souviens d’avoir moi aussi tenu pour un âge « canonique » celui que j’ai bientôt aujourd’hui, avec cette fâcheuse tendance à imaginer qu’il impliquait toutes sortes de renoncements ! Or que sont-ils quand dans le même temps tant d’autres projets restent possibles ?… Les désirs, les desseins ne disparaissent pas, ils sont parfois contrariés par ceux qui nous rangent hâtivement dans des tiroirs bien trop étroits ! L’Amour, l’amitié, tout est largement d’actualité, pourquoi tout cela ne serait réservé qu’aux âmes juvéniles ? Le temps semblant s’accélérer exige de ne plus le gaspiller, de belles histoires peuvent toujours s’écrire, et vous seriez bien étonnés d’y découvrir plus de passion que n’en connaissent les adolescents !
Non, je ne suis ni faible, ni exténuée, encore moins blasée, juste agacée qu’on puisse l’imaginer, quand la disponibilité dont je suis libre d’user à ma guise me donne toutes ces possibilités de vivre pleinement quelque que soit l’âge dont on pourrait me soupçonner ! Je ne me résume pas qu’à ma date de naissance, je suis plus vivante que bien de ceux qui tenteraient de me définir par ce biais ! Cessez de compatir à une destinée qui sera tôt ou tard la vôtre, et une bonne fois pour toutes considérez que votre jeunesse n’est ni une excuse, ni une raison d’enterrer prématurément ceux qui pour quelques rides et fils blancs vous paraissent dépassés ou inutiles alors qu’ils vivent intensément ce dont vous mêmes vous définissez, et que vous croyez naïvement destiné à votre seul usage !