Le véritable deuil ne commence que lorsque le chagrin n’a plus besoin des sanglots dont il se faisait une armure. En renonçant aux larmes taries d’avoir tant coulé, il doit se suffire à lui-même sans cet sorte d’exutoire que sont ces torrents qu’on imagine indomptables.
Il faut alors affronter sa douleur à mains nues, la considérer sous toutes ses apparences, ne plus baisser les yeux, s’y exposer…
Si le Temps fait quelque chose à l’affaire, c’est seulement parce qu’il force votre accoutumance à ce que vous pensiez inacceptable. Sournoisement l’absence s’immisce et prend bientôt toute la place, mais vous en seriez presque surpris tant elle vous est devenue familière et forcément légèrement moins cruelle. C’est une « mauvaise habitude » qui vous sauve de la démence, car quelle autre réponse à la déchirure de la mort de qui on aime follement ?… De quelle folie d’ailleurs parlons-nous, en est-ce une réellement ? Je pencherais plutôt pour une réalité tellement insupportable qu’elle ne vous laisse aucun échappatoire si ce n’est pleurer toutes les larmes de votre corps avec l’espoir insensé d’en être ainsi soulagé…
Quand les semaines, les mois, les années vous ont terrassé davantage encore en vous obligeant à constater que vous êtes toujours « vivant« , que votre désespoir n’a pas suffit à vous anéantir radicalement, la souffrance se transforme insidieusement, elle est aussi vous est devenue coutumière, et toutes ces cohabitations improbables font de vous une esseulée anesthésiée, pour qui plus rien n’apparait grave…
Pour l’avoir éprouvé souvent, je sais au plus profond de moi, que ma blessure est là, tapie je ne sais où elle se sait à l’abri de ma résilience, prête à bondir sur la première garde baissée, ces combats prendront toute ma vie, mes armes seront la confiance que je garde à la vie, le sourire que l’Amour de ma vie a posé sur mes lèvres et que je lui offre chaque jour en retour de celui dont il aura eu l’élégance de ne jamais se départir jusqu’à son dernier souffle.
A Jean-Claude.(+2018)