Au risque d’être vilipendée, je prends le risque de ne pas être d’accord avec la messe qu’on nous donne ces derniers temps… Dieu sait (ou qui se reconnaitra…) si les diverses expressions de la Culture me manquent depuis que cette pandémie nous en prive, comme beaucoup d’entre nous j’ai très envie de renouer avec ces richesses qui participent à l’agrément de nos vies, et de savoir certains de ceux qui me sont proches pouvoir reprendre bientôt l’expression de leur art théâtral ou musical.
J’observe ça et là des rassemblements, j’entends des discours, et je n’y retrouve que rarement mes ressentis. Sans doute en partie parce que la façon de dire ou de faire ne me convient pas. C’est ici que je veux parler d’élégance. « Au diable la manière quand il faut choquer ou bousculer pour obtenir » me rétorque t’on. Je passerai rapidement sur la vulgarité qui s’empare de bien des comportements dès qu’il s’agit de clamer haut et fort son mécontentement, de quelque nature qu’il fut. Il va de soi que les revendications puissent être posées calmement ou plus lestement quand l’angoisse du lendemain ou la colère justifient l’impatience d’être entendu ou exhaussé, mais je saisis pas en quoi la nudité peut servir une cause, aussi noble soit-elle. L’intime me semble déjà très exposé dès qu’on réclame quelque chose, en avouant, le faisant, un manque ou quelque chose qui nous échappe, donc une faiblesse devant qui aurait le pouvoir d’y changer quelque chose. Revendiquer c’est se mettre à découvert. De même que la destruction des biens d’autrui ou d’une collectivité ne me semble pas le meilleur moyen de séduire ou de convaincre d’une problématique.
Cette pandémie fait souffrir le ban et l’arrière-ban de ceux qui sont empêchés de travailler, d’exercer, de rencontrer, d’échanger, d’accompagner. Presque personne n’y échappe et pourquoi devrait-on accorder des « passe-droits » à qui parlera le plus mal et le plus fort ? A ceux qui ont la chance de disposer d’une tribune, la décence exigerait de n’en pas abuser à leur seul avantage et d’y présenter leurs doléances avec le panache dont ils savent pourtant parfois faire preuve. Le culte de l’individualisme prévaut quand chaque corporation ne défend jamais que son bout de gras, à n’importe quel prix, fusse celui de se détruire ! Quelle sorte de regard pouvons nous porter sur nous-mêmes quand nous perdons la notion de ce qui nous déshonore ? Vouloir définir visuellement la précarité en se déshabillant me semble un raccourci très médiocre. C’est laisser penser que ceux à qui on impose cette définition ne sont pas suffisamment intelligents pour décrypter une manière moins triviale de la dénoncer. On n’est pas forcé de répondre par la vulgarité aux décisions qui nous contrarient, fussent elles elles-mêmes « obscènes ». Le monde de la culture est un monde plein de ressources et d’imagination qui aurait pu choisir de nous mettre des paillettes dans les yeux plutôt que de jeter en guise de pâture à ses détracteurs cette overdose de mauvais goût sanguinolent qui n’a pas servi la cause et laissé s’installer un malaise durablement regrettable…
Par définition la simplification est limitante. A force de vouloir soi-disant rendre tout accessible à tout le monde, on est en train de choisir la médiocrité : simplifier plutôt qu’enseigner, tendre vers la facilité plutôt qu’expliquer. « Tout le monde » n’existe pas. l’humanité n’est qu’une multitude de cas particuliers. Supprimer les chiffres romains fait partie de ces décisions abêtissantes ! Si notre langue doit effectivement évoluer au cours des siècles, l’allégement des règles de l’orthographe concoure à son appauvrissement quand les changements ne sont uniquement proposés que pour ce « tout le monde » qu’on choisi de « limiter » puisqu’on lui ôte la possibilité d’en saisir des nuances, une lettre de plus ou de moins fait la diversité de notre langue, en dispensant le lecteur ou le locuteur de ces particularités on le précipite dans l’ignorance, l’abrutissement, voire l’absurdité.