Que la nature est belle dans ses habits de mi-saison, avec ses étoffes délavées que le vent d’hiver a déchiré, et les foulards colorés que le printemps commence a poser sur ses épaules dénudées… Les arbres élancent vers le ciel leurs bras nus et désarticulés, il fait encore froid à la nuit tombée et les matins sont frisquets… J’ai respiré l’odeur fade des froidures ressuscitées mêlées aux fragrances des timides bourgeons émergeant ça et là, celle âcre de la terre humide et le sent-bon des ruisseaux gazouillant. En fendant l’air le vélo ne coupe pas la parole aux oiseaux, ni n’empêche d’entendre ce que la saison naissante nous murmure. Je l’écoute en pédalant, j’inspire la belle saison balbutiante pour mieux expirer tous les mois engourdis.
Chaque tour de pédalier me propulse à quelques jours d’ici vers la douceur d’Avril, les forsythias font Pâques avant l’heure, le ciel saupoudrera d’œufs enrubannés les pelouses et les bosquets, des enfants les découvriront et en rempliront leurs paniers d’osier. Encore quelques kilomètres entre frondaisons gelées et chatons duveteux…
Demain devrait encore retenir l’ébauche des jours féconds, je vais en parler à mon jardin, peut-être la terre voudra t’elle s’entrouvrir pour accueillir quelque hellébore dépotée et vivaces sauvées des serres où ne leur était promise qu’une vie de godet, bientôt les embryons de verdure prendront racines auprès de celles déjà bien ancrées dans ce sol hospitalier. La rocaille au soleil exposée ne boudera pas son plaisir et fera pâlir de désir qui, un peu plus loin, n’a pas encore été semé…
Ce matin encore l’heure est à la douceur, comme à chaque fois la tentation est grande de remiser lainages et duvets dans nos penderies d’hiver. La raison l’emportera sans délai quand, plus tard, un petit frisson nous surprendra, car les rayons dont le soleil nous gratifie se perdront dans l’obscurité provisoire…