Je devine l’arrivée des camions au frémissement des piliers du viaduc sur le Neckar , ensuite de quoi c’est à Lorelei de me décrire tout ce qu’elle voit de la fenêtre.
- Cette fois nous avons droit à de nouveaux malabars, me dit-elle en cette fin de matinée du premier jour de l’été, et je la prie de ne m’épargner aucun détail.
Ce qui me touche dans la scène qu’elle rapporte est la délicatese extrême avec laquelle ces brutes aux bras tatoués déchargent les miroirs avant de les disposer autour de mon fauteuil Voltaire.
- Donne un Dollar Or à chacun de ces éphèbes, dis-je à Lorelei tandis que je les dévisage de mes orbites vides, puis je reste seul avec les ciels.
La seule apposition des mains suffit à me couler dans la nue. Dans le choix d’aujourd’hui me sont dispensées de divines limpidités matinales en lesquelles j’identifie un ciel de Passau de mai dernier et un ciel de Pérouse exhalant comme une haleine sur les collines de l’aube. Le contrat stipule que les malabars disposent de la Lorelei tout le temps que je sublime; et je reste encore perdu dans un ciel de Patmos apollinien tandis que claquent les portières des camions.