[UN PETIT AIR DE PRINTEMPS]
u n petit air de printemps aujourd'hui le long du canal saint-martin elle nous annonce ça au moment de quitter paris - et qu'elle rentre les bras chargés les jambes moulues - les yeux enchantés elle conclut - de sorte que sans même y être j'aborde ces rives - qui sont présentes dans ma tête m'apparaissent en s'évanouissant - en un mot en ce moment- leurs ponts mobiles leurs ponts mobiles - mobiles mobiles - des passerelles métalliques moi - les usines en briques en fumée- qui s'en vont avec elle leur lenteur fugitive
sa chambre orientée au sud y va ma petite n'en démord pas - que sa chambre va dans le sud elle répète - et cette vision cette idée me plaît- suscite une émotion ma fille s'y baigne avec moi - la pointe nord de l'étang tournée vers le nord mon enfant se tourne vers elle - cette station balnéaire elle aussi nous aime - rêve de nous revoir elle devient nous qui devenons elle - quand avril et le vent sont là son littoral nous accueille - nous reçoit nous retient - comme je l'accueille le nommant ma petite fille dans sa grammaire le retient
un orchestre dans les jardins du casino la tempête sur la côte - je me raccroche à une peinture quelques photographies - ce qu'elle écrit il y a des chutes de neige et du spleen au même instant chez nous - avons trouvé des jonquilles deux jours de grand soleil - les camélias mimosas en fleurs - et j'y entends la lumière j'y vois le vent - hors de mon corps embarqué il m'embarque lui-même - parmi ces paysages qu'en piéton j'arpente arpentant ses phrases - ces lieux où je vais en où je sors de moi
Romain Fustier,
Jusqu'à très loin, éditions Publie.net, Collection L'esquif dirigée par Jean-Yves Fick et Virginie Gautier, 2021, pp. 106-108.
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