Stéphane Bouquet | Preuves du monde

Publié le 27 mars 2021 par Angèle Paoli

PREUVES DU MONDEL a pluie a lieu. La mer a lieu. Le vent.
(extrait)
La lande a lieu : sol spongieux
mousses et bruyères roussies
& à l'improviste troupeaux
de moutons-béliers
à millions de crottes rondes. Le phare
au bout lointain de la lande a lieu
parmi les herbes ou parmi les algues
près des menhirs
penchés dans la direction du couchant
: dans la famille
des dieux gaulois du ciel je demande
l'organisateur des orgies.

Cernunnos il semble s'appeler

: sors de l'eau

ta senteur de savon

kiwi-mangue tahitise-moi

avec n'importe quelle

preuve que tu es une porosité

de plus pour me servir

de monoï aloé vera

huile de macadamia

algue spécialement séchée

sel régénérateur

ou autre facilitateur de vie.

La douche a lieu. Mais ensuite
il nous fallut sortir couverts
vu que la météo marine
annonçait avis de grand frais

Les lapins ont lieu. Les faisans. Le tôlier
zingueur a lieu. Le vent plus fort. Le soleil
éblouissant.

Ce qui manque, c'est
une immensité de plage en nous
où accueillir ce qui débarque

non d'ailleurs :

la plage existe

le port

mais pas le monde-marée

à giga coefficient d'automne

tiré par la lune d'équinoxe

pour monter jusqu'au bout de nous

et nous avaler dans sa baleine bonté.

Stéphane Bouquet, " Une trilogie ", Le Fait de vivre, éditions Champ Vallon, 2021, pp. 37-38.