Et la fameuse question qui commence dès le 1er, tout de suite après le poisson d’avril : «Qu’est-ce que tu veux pour ta fête?». Je n’ose pas répondre «rien». Alors je cherche.
C’est un peu comme les enfants nés le 23 décembre, leurs cadeaux et les cadeaux de Noël sont un peu mêlés. Alors moi, qui suis née un Vendredi saint, on m’a souvent fêtée en même temps que Pâques. Comme mon frère en même temps que la fête des Mères. Et c’est bien correct comme ça. Je suis moins le centre d’attention. Et je n’ai pas à répondre à la fichue question.
Comment dire aux gens que je les aime bien, mais que j’aime la tranquillité. Pas la solitude complète. Je n’ai jamais vécu toute seule pour vrai. Tout au plus une semaine ici et là. Mais je dois admettre que ça m’énerve de la visite. Aller chez les gens, quelques heures, ça va, c’est même divertissant, mais recevoir, ça me stresse. Si je le dis, les gens ne viendront plus. Je passerai pour misanthrope, asociale.
C’est avec le trop que j’ai de la misère.
Trop de choses à penser, à gérer. Trop de bruits en même temps, tout le monde parle, de la musique ou la télé ouverte pendant qu’on jase. Toutes les émotions de tout le monde. Ça devient une tempête.
Une personne à la fois, c’est mieux.
Et s’il vous plaît, pas d’appels téléphoniques. Pas trop, un ou deux. Pas trop longtemps non plus, quelques minutes, ça peut aller. Pas des heures.
Mais je ne peux pas dire ça non plus, je vais passer pour...
Pour moi toute seule, je m’en fous de mon image. Je sais qui je suis et je m’entends bien avec mon moi-même. Je suis habituée depuis l’temps. Je peux bien me parler sèchement. Mais ça me fait de quoi quand je vois la réaction des gens : tu veux pas me voir? Tu veux pas de party? Ce sont eux qui sont déçus. Ce sont eux qui veulent un party, une rencontre, fêter, manger, boire, rire, chanter. Alors ce qui me peine, c’est de ne pas leur faire plaisir. Et j’aime bien faire plaisir. Je suis pas une faiseuse de party, mais pas une casseuse non plus.
Je ne sais plus quoi faire. J’hésite. Je n’aime pas décider. Je jongle à la façon de plaire à tout le monde y compris moi-même. J’y arrive rarement. Et bien souvent, j’accepte la fête. Et puis, oui, j’y prendrai plaisir. À voir les sourires, à recevoir les cadeaux et les câlins. À apprécier le vin et le gâteau au chocolat. À écouter les dernières nouvelles de chacun. J’aime entendre leurs histoires, c’est comme lire des biographies. Je raffole des confidences. C’est sûr qu’une fois tout le monde parti, la vaisselle lavée, la maison redevenue silencieuse, je repasserai tout ce qui s’est dit, je me poserai mille questions, je referai les phrases que j’aurais voulu plus claires. Et c’est sûr aussi, je ne regretterai rien.
Je vous le dis, j’ai tout de l’hypersensible. Je n’aime pas le mot. Ni le hyper ni le sensible. Hyper signifie supérieur. Veux pas. Sensible, c’est comme émotif. Quand quelqu’un est émotif, il chasse rapidement ce trouble. Pas le montrer, comme si c’était niaiseux ou dérangeant. Plusieurs personnes ne savent pas quoi faire avec les émotions des autres et probablement pas avec les leurs. Elles me croient malheureuse d’être ainsi affublée de cette personnalité. Tout de suite le psychologue, le médecin, les anti-dépresseurs. Comme si j’étais malheureuse, malade, dépressive.
« Finalement, que veux-tu pour ta fête? » (Bon, je comprends que j’ai encore pris un long détour avec beaucoup de mots pour répondre à une question qui avait l’air pourtant simple.)
Heu... Rien. Et puis, tiens, oui, je veux ne rien faire : pas de repas, pas de ménage, pas de monde.
Et si vous voulez me faire plaisir : écrivez-moi (non, non pas obligé d’écrire une longue épitre). J’adore lire.
Note: Si c'est la première fois que vous entendez parler d'hypersensibilité... c'est tout plein sur Internet.
Dont là >>>