1928- Cours Universitaires de Davos - 1

Publié le 18 avril 2021 par Perceval

Pour le voyage aller, Lancelot s'est efforcé de trouver de la place dans les ''1ères Classe'' du ''Arlberg Orient Express'' , jusqu'à Zurich ; ensuite il faut changer de train, et s'approcher de Davos au plus près, puisque le chemin de fer n'y accède pas...

Lancelot et Elaine se retrouvent en Gare de l'Est.

Arlberg-Orient-Express (avec voiture-salon Pullman) vu vers 1928

Je reprends à présent, le texte retranscrit du ''journal'' de Lancelot :

" Après l'excitation du voyage qui se prépare, puis qui débute dans la confusion, l'attente, la recherche de sa place. Nous retrouvons le calme alors que nous n'avons pas encore avancé...

Ressentir le départ, puis le mouvement, est une première victoire.

Dans le cocon du train ; il est assez étrange de vivre hors espace, n'ayant plus que le temps comme référence... Notre pensée elle-même, sort de ses repères convenables ; elle s'émancipe, prend le large...

Devant ce paysage qui défile, sommes-nous quelque part ? Je vois des gens qui observent le train, mais cette image semble si peu réelle, ce que j'en ai perçu est incomplet, fugace.

Le temps reste de notre côté, et les arrêts, s'ils ouvrent des possibles à d'autres, n'entament en rien notre sereine sécurité.

Les yeux, rivés sur un paysage déroulant, ne peuvent contrôler notre imagination... Ne demandez jamais à votre voisin : " A quoi pensez-vous... ? " Ce serait bien indiscret...

Le défilé du paysage, me remplit de nostalgie : il se donne et se retire aussitôt, à jamais... Le miracle, c'est que cet arrachement ressenti est compensé par la présence d'une femme près de moi... La voir dans la vitre, alors que mon regard vagabonde de l'autre côté... Elle, est une amie; et le fait qu'elle ait acceptée de m'accompagner, m'ouvre la possibilité qu'elle puisse devenir ''mon'' amie. Ce long voyage, la complicité dans le compartiment, les possibilités de l'aventure qui nous lie à présent, rendent ce moment inoubliable.

" A quoi pensez-vous ? " me demande Elaine. Son sourire semble me dire qu'elle est heureuse, et qu'elle voudrait partager ce bonheur...

Je rêve à tout ce que ce voyage nous donne la possibilité de faire... que de rencontres en perspective... ! Et vous ?

J'ai honte... Je pensais à tort et à travers... Mon imagination élaborait divers canevas de roman. C'est que le voyage sous-tend l'aventure, l'évasion... Le train stimule l'imagination...Chaque personne qui passe dans le couloir, ou s'assoit, pourrait nous cacher son identité, ses raisons d'être là... et, pourtant, elle est susceptible de nous entraîner dans des aventures que nous ne soupçonnons pas mais que le romancier peut imaginer pour nous...

Davos, est une petite ville ''hors du monde d'en bas'', posée dans une vallée, entre 1400 et 1800 m d'altitude.

Depuis 1860, les curistes profitent de l'air vivifiant de la vallée aérée, pour soigner en particulier la tuberculose pulmonaire... Un des premier patient eut l'idée d' investir dans la construction de maisons de cure et de pensions.

Ce lieu a déjà attiré l'attention avec la publication, ns plus tôt, du livre, Der Zauberberg , de Thomas Mann ( ). La Montagne Magique

Comme la plupart des invités, Lancelot et Elaine, ont chacun leur chambre réservée dans le luxueux Grand Hôtel Curhaus. Cent-vingt étudiants français et allemands ( majoritaires) ont été invités ( à leurs frais) à participer à ces ''Cours universitaires'' auxquels se rajoutent autant d'étudiants curistes sur place.

Ce premier Cours Universitaire de Davos est ouvert par le maire Erhard Branger avant, Hans Driesch, philosophe et biologiste allemand, qui parle alors au nom de son pays, Lucien Lévy-Bruhl ( 71ans) , le célèbre philosophe et sociologue pour la France, et Albert Einstein. Chacun se propose de sceller la fragile amitié enfin retrouvée... Ces Davoser Hochschulkurse font figure de '' Locarno des intellectuels '' ... On ne craint pas de croire en une Union des intellectuels sans distinction de patrie et de confession.

Ce dimanche 18 mars 1928, peu avant 11h, la foule se presse devant l'entrée du Grand Hôtel Curhaus. Chacun cherche du regard le visage souriant du ''plus grand physicien contemporain '' et prix Nobel, Albert Einstein. Il prend la parole à 17h00, pour la conférence inaugurale.

C'est ensuite dans la grande salle de spectacle de l'Hôtel Curhaus qu'un banquet est offert à l'assemblée cosmopolite ; entrecoupé de moments musicaux interprétés par les compositeurs Béla Bartock et Julius Weismann eux-mêmes avec le concours de la violoniste Riele Queling.

Les deux premières semaines, du 19 au 31 mars, sont consacrées plutôt à des interventions de nature philosophique et littéraire, et les deux semaines suivantes (2 au 14 avril) ont pour thème le droit et les sciences sociales. Les conférences sont données dans la langue du conférencier, allemand ou français et sont réparties sur les six jours de la semaine, elles durent quarante-cinq minutes... En général, elles commencent entre 9h et 10h ; après le repas elles reprennent vers 16h ou 17h, avec le repas du soir à 19h. quelques soirées sont dévolues à des Arbeitsgemeinschaften qui rassemblent des petits groupes d'universitaires autour d'enseignants pour des temps de discussion et de débat.

Finalement pour les auditeurs, les conférences ne sont que le prétexte d'un travail plus réel qui s'effectue au hasard de rencontres, à la table des restaurants, autour de verres de bière dans les brasseries, ou sur les chemins enneigés des environs de Davos...

Lancelot remarque que " Les conférenciers étaient prêts à nous parler à toute heure de la journée, jusque tard dans la nuit dans un salon de thé [...]. La plus grande liberté prévalait dans les disputes entre professeurs et étudiants qui savaient qu'ils ne les sanctionneraient pas, par une examen... "